Bélaïd Abrika et ses camarades n'ont pas manqué de saisir la perche tendue par le Chef du gouvernement et d'accepter la reprise du dialogue interrompu il y a près d'un an. Aussitôt dit, aussitôt fait : sans grande surprise, le mouvement des archs, daïras et communes de Kabylie a accepté hier l'invitation à la reprise du dialogue lancée mardi par le Chef du gouvernement Ahmed Ouyahia. Lors d'une conférence de presse animée à la maison de la presse Tahar-Djaout à Alger, les animateurs du mouvement, en l'occurrence Bélaïd Abrika, Khoudir Benouraret, Saïd Fekhar, Mohand Iguetoulene, entre autres, ont clairement laissé entendre les bonnes dispositions du mouvement pour reprendre langue avec le “pouvoir”. “Cette invitation contient des points positifs. Nous croyons que le dialogue est la seule solution à la crise, et pour nous, il a accepté d'appliquer la plate-forme d'El-Kseur”, a indiqué Belaïd Abrika, l'animateur du quartier des Genêts. Mieux, “c'est une réponse à la déclaration du mouvement en septembre dernier lors du conclave de Sidi Rached (Tizi Ouzou), dans laquelle le mouvement avait demandé à Ouyahia des explications sur la non-application de l'accord et de l'officialisation de tamazight”, a encore ajouté Abrika. Ces affirmations qui ne souffrent d'aucune équivoque sont enveloppées, toutefois, dans des considérations, à plusieurs égards de pure forme, de “principe” puisque les animateurs rappellent, à qui veut bien les entendre, qu'il appartient à l'interwilayas, l'instance suprême du mouvement, dont un conclave est prévu samedi prochain, de trancher la question de la réponse à donner à Ahmed Ouyahia. “Seule l'interwilayas peut trancher la question. Et c'est l'interwilayas qui va décider s'il faut désigner une délégation ou non”, a expliqué Abrika. En “hibernation” depuis les élections du 8 avril 2004, consacrée à la “réflexion”, selon les animateurs, le mouvement des archs a tenté de réinvestir le terrain depuis septembre dernier. Récemment, il a tenu un conclave lors duquel il a décidé la tenue d'une grève générale le 12 janvier prochain, jour de Yennayer, Nouvel An berbère, laquelle sera précédée d'une conférence de presse, une rencontre qui intervient au lendemain de l'appel d'Ouyahia. À cette proximité entre les deux dates, Abrika se contente seulement d'avancer que “cette invitation vient confirmer (notre) bilan sur les incidences”. Au nombre de “six”, les incidences qui ont été au centre de l'accord-cadre avec Ouyahia en janvier 2004 ont été, hormis la libération de détenus, plus ou moins satisfaites. C'est ainsi, par exemple, que “la défiscalisation” des commerçants et la “révocation des indus élus” n'ont pas connu de suite depuis. Sur ce dernier point, les animateurs rappellent qu'ils tiennent à “déloger la mafia locale qui dilapide les richesses de la région”. Un subit intérêt qui n'est pas sans lien manifestement avec la revendication de l'UDR, la nouvelle formation de Amara Benyounès, à savoir l'organisation d'élections générales. Et par ricochet, une éventuelle dissolution de l'Assemblée. Cependant, les animateurs du mouvement jugent globalement “positifs” leurs bilans, notamment l'appel au rejet des élections du 8 avril. “Le mouvement a contribué à mobiliser la société”, dira Abrika. Interrogé sur les chances d'aboutissement de la mise en œuvre de la plate-forme d'El-Kseur, document en 15 points qui stipule, entre autres, “le jugement des assassins et des commanditaires” et la “mise sous l'autorité d'institutions démocratiquement élues de tous les corps de sécurité”, Abrika rappelle que le chef de l'Etat avait reconnu la légitimité des revendications de la plate-forme d'El-Kseur. “On discute sur la forme de sa mise en œuvre”, a-t-il dit. Hostiles à “l'officialisation de tamazight” par référendum, les animateurs refusent aussi, du moins tant que son contenu n'est pas connu, la question de l'amnistie générale. “On ne peut pas parler de quelque chose dont on ignore le contenu, mais nous sommes contre l'impunité.” Enfin à la question de savoir si des rencontres informelles avaient eu lieu avec les autorités avant cette sortie du Chef du gouvernement, Abrika a indiqué qu'il ignorait de “quoi il s'agit”. Par ailleurs, un hommage a été rendu au chanteur Brahim Izri, décédé avant-hier à Paris, dont l'enterrement aura lieu samedi en son village natal d'Ath Lahcène, à Béni Yenni. Yennayer, fête nationale ? À se fier à certaines indiscrétions, le Chef du gouvernement s'apprêterait à annoncer dans les prochains jours l'institution de la date du 12 janvier fête du Nouvel An berbère comme fête nationale chômée et payée. Une éventualité qui a fait dire à Abrika que “le fait qu'Ouyahia avait répondu favorablement signifie qu'elle est à moitié satisfaite”. Pour rappel, les animateurs ont appelé à une grève générale à travers la Kabylie le 12 janvier prochain. K. K.