Depuis plusieurs générations, des milliers de gens convergent, l'intervalle d'un mois d'août, vers Azrou n'Thour, dans un pèlerinage mystique, agrémenté d'agapes gracieusement offertes par les villages alentours qui ont érigé la générosité en valeur inoxydable. Vendredi 14 août. Le pèlerinage d'Azrou n'Thour version 2015 est à son second acte. Durant trois vendredis de suite, ce mois d'août, des milliers de personnes s'y sont retrouvées à faire l'ascension de la montagne pour l'accomplissement d'un rituel annuel. Ce vendredi, l'organisation échoit au village Aït Athella. Celui d'avant, c'était au village Aït Atsou de rouler le couscous. La clôture, ce sera pour le village Zoudga. "C'est ainsi depuis des lustres", précisent les habitants de la région. Azrou n'Thour se trouve dans la daïra de Iferhounen (sud-est de la wilaya de Tizi Ouzou). C'est un immense rocher en contrebas duquel essaiment trois villages : Aït Atsou, Aït Adella et Zoubga. Les trois villages se partagent en concertation l'organisation de cet événement durant trois vendredis du mois d'août. C'est à qui offrira le meilleur couscous ! La rivalité est saine, au bonheur des pèlerins qui viennent de tous les coins d'Algérie. Nous avons fait partie de ces derniers pour cette édition 2015. Une occasion pour nous de vivre l'intensité de l'événement, de voir de plus près un système de gestion élaboré par les tajmaât (assemblées en tamazigh). L'organisation est parfaite. Elle se passe de la contribution de l'administration. Tout est à la charge exclusive des villageois bénévoles, y compris la sécurité, assurée par de jeunes villageois. D'ailleurs, un visiteur interpelle un jeune qui portait un fusil de chasse en bandoulière et lui demande si l'arme est une arme véritable. La réponse n'a pas tardé. "Et vous croyez que c'est un jouet ! On le porte pour la sécurité des lieux. En bas, juste avant de prendre la piste, vous avez remarqué la présence des gendarmes, non ! Eh bien, nous prenons le relais jusqu'ici pour sécuriser les lieux", répondait celui qui n'était autre qu'un membre des brigades déployées par le village pour sécuriser le pèlerinage. Tout un "système" élaboré autour d'une légende. Entre légende et réalité Azrou n'Thour signifie le rocher de la prière du dohr (milieu du jour). La légende remonte à plusieurs générations (sans qu'on ait pu déterminer la date exacte). Un "saint", dont le nom reste inconnu, vivait en ermite sur les lieux, et serait mort après avoir terminé sa prière du dohr. La légende chevauche entre deux versions : l'une établit qu'il serait tombé du haut du grand rocher, l'autre soutient qu'il est mort sur le pic, juste après avoir terminé sa prière. Azrou n'Thour est aussi cette histoire de couscous, avec de la viande de bœuf, servi gracieusement aux pèlerins. Larbi, venu d'Alger en compagnie de sa femme, de ses enfants et de ses belles- filles, a une explication à l'histoire du couscous. Ce spécialiste en histoire, originaire de Ath Chevla (village des Ouacifs, Tizi Ouzou) et féru d'amazighité, explique que "selon la légende, et concernant cette coutume du couscous à Azrou n'Thour, on raconte que des villageois voisins préparaient le plat sur le sommet du rocher quand subitement la marmite en terre cuite est tombée du haut jusqu'au pied du rocher sans qu'elle ne se casse.Les habitants ont considéré cela comme un petit miracle".