En situation de crise, tous les experts en management public sont unanimes quant à la nécessité de recourir à la décentralisation de la gestion et à la délégation des pouvoirs. Si, ailleurs, il suffit d'ajuster des dispositifs déjà existants et de revoir le dosage des thérapies appliquées, chez nous, tout est à refaire car, en 2015, les compétences des élus locaux, notamment au niveau des APC, se comptaient sur les doigts d'une main, et encore, faut-il que les locataires des hôtels de ville aient les moyens humains, ainsi que financiers de leur politique. À l'inverse de la tendance mondiale, des attentes des populations et du bon sens, chaque année, depuis au moins trois décennies, les collectivités locales ont été déplumées de leurs prérogatives, les unes après les autres, à tort ou à raison. La situation est telle que certaines communes ont été délestées de la gestion même des ordures, pour reprendre certains P/PAC. Les APC, qui devraient être au cœur des dynamiques locales en matière politique, économique, sociale et culturelle, sont réduites, aujourd'hui, à de simples démembrements extérieurs du ministère de l'Intérieur. Pour le côté politique, le verrouillage du paysage, la panne des réformes institutionnelles et les soupçons de fraudes qui pèsent sur le processus électoral dans le pays ont vidé de toute attractivité, aussi bien l'APC que les charges électorales locales. Le verrouillage a été poussé au point de subordonner la validité d'une délibération des élus du peuple au quitus d'un cadre de l'administration, soit le chef de daïra. Pour le côté économique, les élus locaux ne gèrent plus le foncier, principal levier d'aide à l'investissement. Ils ne décident pas de la politique fiscale locale, cet autre levier de gestion de la chose socioéconomique. Pour le côté social, ni le logement ni les aides sociales lourdes ne sont dans les prérogatives des élus locaux qui se contentent de gérer une partie du couffin du Ramadhan et des emplois temporaires. Même le volet culturel n'échappe pas à cette décentralisation à outrance. Dans une manifestation telle que Constantine, capitale de la culture arabe 2015, l'APC n'a pour mission que l'emplacement des banderoles et le déblaiement des sites après les travaux. La veille d'une rentrée sociale qu'on qualifie d'exceptionnelle, le gouvernement a toute latitude de faire des discours de bonne volonté ; il sera attendu sur le chantier de la décentralisation et de la délégation des pouvoirs. Une décentralisation qui doit s'accompagner d'une véritable réforme de la fiscalité locale. Car, il ne servira à rien de donner des prérogatives aux élus locaux sans les doter des moyens nécessaires pour mobiliser et affecter les ressources financières. Autrement dit, la gestion décentralisée est un choix politique puisé dans un projet de société tournée vers la modernité, plus qu'une décision de conjoncture. M.K.