L'impression d'unité et de cohésion que dégageait jusque-là l'Union européenne a volé en éclats avec cette crise des réfugiés, qui a mis à nu de profondes divergences entre ses vingt-huit membres. La confiance n'est plus de mise en Union européenne, notamment sur la question de libre circulation, remise en cause par l'Allemagne, la Slovaquie et l'Autriche, qui ont annoncé, hier, le rétablissement des contrôles aux frontières face à l'afflux de dizaines de milliers de réfugiés. De facto, c'est la suspension des accords de Schengen sur la libre circulation en Europe, en attendant une réunion à Bruxelles consacrée à la répartition des réfugiés. Devenue en quelques semaines une Terre promise pour des réfugiés de plus en plus nombreux qui pourraient atteindre un million cette année, selon le vice-chancelier Sigmar Gabriel, l'Allemagne a justifié hier sa décision de suspendre la libre circulation en Europe par "l'inaction" de l'Union européenne. Cette volte-face de la chancelière allemande s'explique par les problèmes logistiques mal anticipés et la grogne de son propre camp politique. Et dire qu'il y a quelques jours seulement, Angela Merkel plaidait auprès de ses partenaires européens pour un accueil sans limite des réfugiés. Essayant de justifier cette position de l'Allemagne, le porte-parole de la chancellerie a souligné que le rétablissement des contrôles ne signifie pas que l'Allemagne ferme ses frontières aux demandeurs d'asile et à ceux réclamant le statut de réfugiés, mais Berlin souhaite rendre le processus plus "ordonné". Il n'en demeure pas moins qu'il n'a pas fallu beaucoup de temps pour que la décision de Berlin fasse immédiatement des émules parmi les pays de l'Est, la Slovaquie et la République tchèque, qui rejettent, depuis des semaines, l'idée allemande de quotas de répartition des réfugiés entre les 28 membres de l'UE, mais aussi en Autriche, elle aussi, sous pression. Quant à la Hongrie, elle a décidé de déployer des militaires à sa frontière avec la Serbie, où le flux de migrants a pris des proportions sans précédent à la veille de la mise en œuvre de nouvelles dispositions anti-migrants par Budapest. Devant ces développements, la Commission européenne a estimé que la suspension de l'espace Schengen "soulignait l'urgence" de parvenir à un plan européen de répartition. Mais, rien n'est moins sûr, car l'aboutissement à un compromis est très incertain, vu le nombre de pays restant opposés à l'idée de quotas obligatoires d'accueil. La Grande-Bretagne, qui, comme le Danemark et l'Irlande, dispose d'une option de retrait de la politique d'asile de l'UE, a annoncé, hier, la nomination d'un sous-secrétaire d'Etat aux réfugiés, au moment où le Premier ministre David Cameron visitait un camp de réfugiés au Liban. Londres a promis d'accueillir 20 000 Syriens en cinq ans. Pendant ce temps, la crise migratoire ne donne aucun signe de ralentissement au vu du nombre record de réfugiés (5 809), qui sont entrés en Hongrie dimanche, soit avant la date fatidique du 15 septembre (aujourd'hui) à partir de laquelle Budapest veut rendre hermétique sa frontière avec la Serbie, deux pays clés de la route menant de Turquie en Allemagne. M.T.