L'Allemagne a justifié lundi sa décision de provisoirement suspendre la libre-circulation en Europe par "l'inaction" de l'UE face à l'afflux continu de dizaines de milliers de réfugiés, avant une réunion à Bruxelles consacrée à la répartition des migrants. Le vice-chancelier, Sigmar Gabriel, a estimé lundi sur le site internet du Parti-social démocrate allemand, dont il est président que l'Allemagne pourrait avoir à accueillir jusqu'à un million de réfugiés en 2015, largement au-delà des 800.000 migrants sur lesquels tablait jusqu'alors Berlin. Dès l'aube à Freilassing, bourgade bavaroise à la frontière autrichienne, des bouchons monstres se sont formés en raison de la réintroduction dimanche soir des contrôles frontaliers. Objectif de Berlin: tenter de juguler l'arrivée en masse de migrants en Allemagne, destination finale de nombre d'entre eux, notamment les Syriens fuyant la guerre. Munich (sud) est ainsi proche de la saturation, avec 63.000 réfugiés en deux semaines arrivés par les Balkans et l'Europe centrale. Au cours de la seule journée de samedi, quelque 13.000 demandeurs d'asile ont été comptabilisés, autant que le précédent record du 6 septembre. "L'inaction européenne dans la crise des réfugiés a aussi conduit entre-temps l'Allemagne aux limites de ses capacités", a expliqué le vice-chancelier Sigmar Gabriel, l'adjoint social-démocrate d'Angela Merkel, au quotidien allemand Tagesspiegel de lundi. Le problème "n'est pas en premier lieu le nombre de réfugiés mais la rapidité avec laquelle ils arrivent", souligne-t-il. La compagnie allemande du rail Deutsche Bahn a néanmoins indiqué avoir repris lundi à 05H00 GMT (07H00 locale) ses liaisons avec l'Autriche, suspendues la veille, excepté sur le tronçon Munich-Salzbourg, qui passe par Freilassing, en raison de présence de personnes non-identifiées sur la voie. L'Allemagne s'était jusqu'à présent fait l'avocat des migrants fuyant les conflits, estimant à 800.000 le nombre de demandeurs d'asile attendus cette année et faisant pression sur ses partenaires européens pour qu'ils accueillent aussi des réfugiés sans rechigner.
Blocage européen Par ailleurs, Berlin entend revenir à une stricte application des règles européennes qui supposent que les demandes d'asile doivent être déposées dans le premier pays d'entrée de l'UE, une norme suspendue par l'Allemagne pour les Syriens. La décision allemande de contrôler ses frontières a rapidement fait des émules, au premier rang desquels les pays de l'Est qui rejettent depuis des semaines l'idée allemande de quotas de répartition des réfugiés entre les 28 membres de l'UE. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban, partisan d'une ligne très dure face au flux de migrants, a salué la décision "nécessaire" de Berlin. Prague a annoncé le renforcement des contrôles à sa frontière avec l'Autriche, tout comme la police hongroise. A Paris aussi la compréhension était à l'ordre du jour: "c'est faute de leur respect (des règles européennes, ndlr) que l'Allemagne a décidé d'établir temporairement des contrôles à ses frontières", a déclaré le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve. La Commission européenne a jugé que cette annonce "soulignait l'urgence" de parvenir à un plan européen de répartition. Mais rien n'est moins sûr. Un compromis à la réunion extraordinaire des ministres de l'Intérieur de l'UE à Bruxelles lundi est très incertain, nombre de pays restant arc-boutés contre l'idée même de quotas obligatoires d'accueil. La crise migratoire, portée par les guerres et la misère au Moyen-Orient et en Afrique, ne donnait elle aucun signe de ralentissement. Un nombre record de 5.809 migrants sont entrés en Hongrie dimanche, avant la date fatidique du 15 septembre à partir de laquelle Budapest veut rendre hermétique sa frontière avec la Serbie, deux pays clés de la route menant de Turquie en Allemagne.
Toujours des drames En Allemagne, après la suspension de facto des accords de libre-circulation de Schengen à la frontière germano-autrichienne, plusieurs centaines de policiers ont été déployés dès dimanche soir pour contrôler systématiquement voitures et passants. Dans la nuit, la police a arrêté au moins un passeur, transportant huit Syriens dans sa camionnette. Toujours dimanche, 34 personnes, dont quatre bébés et 11 enfants, sont morts noyés en Méditerranée, dans le naufrage de leur embarcation au large de l'île grecque de Farmakonis, à 15 kilomètres des côtes turques. La Grande-Bretagne a elle annoncé lundi la nomination d'un sous-secrétaire d'Etat aux réfugiés, au moment où le Premier ministre David Cameron visitait un camp de réfugiés au Liban. Londres a promis d'accueillir 20.000 Syriens en cinq ans.