Le chef de l'Etat a toujours été inspiré par le modèle de la Tunisie sous Ben Ali, à savoir un Etat où les plus hautes missions de sécurité sont dévolues à la police. Si la mise à la retraite du patron du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), le général de corps d'armée, Mohamed Mediène, dit Toufik, consacre la fin d'une époque, comme se sont accordé à le souligner nombre d'analystes, celle-ci ne peut conséquemment que sonner le début d'une autre. Laquelle ? C'est la question à laquelle il n'est point aisé de répondre avec exactitude, du moins dans l'immédiat. Ce que l'on peut affirmer, en revanche, c'est que le renvoi du général Toufik n'est pas la séquence définitive dans le processus de restructuration des services de renseignement engagé activement par le chef de l'Etat dès son retour d'hospitalisation en France en 2013. La finalité dans cette entreprise, finement menée par un maître tacticien, analyse un ancien officier du DRS à la retraite qui a souhaité garder l'anonymat, est que la présidence de la République récupère les prérogatives jadis dévolues au DRS, lesquelles se trouvent, pour la plupart, aujourd'hui transférées à l'état-major de l'Armée de libération nationale (ANP). "On pourrait se trouver devant un schéma d'organisation atypique : la présidence de la République, qui exercera une tutelle organique sur les services de renseignement, pourra déléguer leur gestion fonctionnelle à un pôle rattaché à l'état-major de l'ANP", ajoute-t-il, se déclarant fort convaincu que même la nouvelle direction du DRS est transitoire, et qu'au bout, il y aurait carrément un changement de dénomination pour la structure. Il est d'ores et déjà suggéré que l'option est à la promotion d'un civil à la tête des services de renseignement. Cela se devine à travers le communiqué officiel ayant fait état du changement à la tête du DRS et où le général Tartag a été désigné par "Monsieur". Pour cet ancien officier du DRS, le placement des services extraits au DRS sous la tutelle organique de l'état-major de l'ANP est également à titre transitoire. "Les attendus des effeuillages opérés graduellement au sein du DRS, couronnés depuis dimanche par la mise à la retraite du général Toufik et son remplacement par un enfant de la boîte, le général Tartag, confinent en le contrebalancement des rapports de domination entre les services de renseignement et des appareils institutionnels, en faveur de ces derniers." Le chef de l'Etat aurait eu, dès son retour au pouvoir en 1999, comme projet de réduire du poids considérable pris par l'armée, notamment le DRS, dans la prise de décision politique. S'il n'a pas entrepris de sitôt ce chantier, c'est qu'il avait besoin de l'intervention du DRS, surtout, pour le renouvellement de son second bail, puis des deux suivants à la tête de la magistrature suprême. L'ancien officier du DRS situe le début de l'affrontement entre Toufik et Bouteflika à la période qui a vu l'affaire Chakib Khelil éclater au grand jour, alors que le chef de l'Etat était hospitalisé en France. "Bouteflika a pris cela comme une déclaration de guerre. Et c'est à ce moment-là qu'il a décidé d'agir." La suite, d'aucuns la connaissent : Amar Saâdani fut chargé de tirer les coups de sommation, avant que Bouteflika n'enchaîne par ses fameuses restructurations. "Saâdani était dans un rôle bien déterminé. Ce rôle terminé, il s'est retrouvé lui-même à vivre une disgrâce", Relève l'ancien officier du DRS qui pense qu'au niveau politique, pour ne pas dire partisan, le départ du général Toufik s'accompagnera, à moyen, voire à court terme, d'un remodelage au niveau de la direction du FLN. Pour notre interlocuteur, Saâdani n'est pas l'homme de la prochaine étape, laquelle connaîtra l'affinement du plan de la succession. S.A.I.