"La Voix a quitté le navire, et personne n'est à la barre." Mouammar Kadhafi se rend ainsi à l'évidence qu'un passé, qu'un règne peut être effacé d'un coup de gomme surtout quand Syrte, la ville où il a fait ses premiers pas lui, " tourne le dos". Face au mur, enfoui dans les décombres d'une école désaffectée, le guide pense encore à son avenir et que tout redeviendrait comme avant, quand il subjuguait les foules, tyrannisait rois et chefs d'Etat du haut du piédestal des Nations unies. Tout cela, il se le remémore, couché sur un lit brinquebalant de fortune que ses fidèles d'entre les fidèles ont rafistolé pour lui, habitué à sa tente qui lui manque désespérément. Heureusement que les doses de drogue le maintiennent en état de léthargie, une certaine impression d'être ce qu'il n'est plus : le Guide suprême qu'il fut et qu'il n'est plus. Ses proches lui donnent un panorama autre que celui où il se trouve ; dans un décor de ruines et de désolation. Il attend vainement son fils Moutassem, avec des renforts qui n'arrivent pas. Sinon trop tard. Quand Kadhafi est pris comme un rat dans un caniveau. Ce sont ces moments ultimes d'un dictateur que Yasmina Khadra rapporte dans ce dernier livre qui paraît chez Casbah Editions, ces jours-ci. L'auteur se met dans la peau du personnage. Il décrit ses colères et ses lubies qui ne sont plus que du passé, son passé qu'il a détruit lui-même... et sa fin tragique d'un huis clos. Yasmina Khadra a réussi à nous faire revivre la fin d'un dictateur avec des descriptions et des scènes qui frôlent le véridique. A.T. La dernière nuit du Raïs Yasmina Khadra Casbah Editions, 207 pages