Abderrahmane Berrouane, dit Saphar, un "malgache" de la première heure, est venu, hier à Oran, apporter son témoignage sur les raisons et les conditions qui ont présidé à la création, en 1957, du ministère des Liaisons générale et des Communications (MLGC), l'ancêtre du ministère de l'Armement et des Liaisons générales (Malg), ce service de renseignement algérien qui allait jouer un rôle fondamental dans le processus de libération nationale. L'homme — qui a publié aux éditions Barzakh Aux origines du Malg — a frayé avec les Houari Boumediene, Abdelhafid Boussouf, Dib Abdelkrim, Seddar Snouci et avec tous ceux qui, patiemment, mirent sur pied une structure de recueil et de traitement du renseignement vitale pour la lutte armée et les négociations que le GPRA devait mener plus tard. Lorsque l'appel à la grève de l'Ugema est lancé en 1956, Abderrahmane Berrouane, étudiant de 25 ans à l'université de Toulouse, quitte tout naturellement les bancs de l'université et rejoint les rangs du FLN. "Quelque temps plus tard, je me suis retrouvé à Oujda où Boussouf et Ben M'hidi recrutaient des militants qui avaient de l'instruction pour la création d'un service de transmission", se souvient-il. Il fera ainsi partie de la promotion Zabana, premier groupe formé pour prendre en charge les transmissions. "Compte tenu du dénuement dans lequel nous étions, cela nous paraissait utopique. Pourtant, Boussouf réussira le défi au-delà de toute espérance", continue le malgache. Le semi-échec de la promotion Zabana — qui pâtit d'un cruel problème de logistique — ne décourage pas les responsables et militants qui mettent les bouchées doubles : un centre d'instruction de transmission territoriale est ouvert, qui, en quatre mois, forme une soixantaine de volontaires algériens à l'écoute, au traitement et à la transmission du renseignement : "Echaudé par l'échec de la première expérience en raison de l'inefficacité des postes de radio dont la portée ne dépassait pas les 40 km, Boussouf a exigé des postes plus efficaces." Et c'est ainsi que la seconde promotion baptisée Ben M'hidi — qui venait d'être exécuté — reçut des postes de radio de fabrication allemande, blindés, d'une portée de 1 000 km. "Ce fut la liesse ! Houari Boumediene appela la machine El Moudjahid El Akbar", se souvient Abderrahmane Berrouane. Le MLGC était né. Trois directions seront installées (transmission nationale, documentation et recherches, et vigilance et renseignements) et douze promotion formées, six à l'Ouest et autant à l'Est. Abderrahmane Berrouane est désigné à la tête de la direction de la vigilance et renseignements : "Désormais, nous étions en mesure d'écouter tous les corps de sécurité, la gendarmerie, l'armée et même l'administration. Nous savions qui faisait quoi, ce qui était transmis en France... Grâce au renseignement, le GPRA répondait du tac au tac", se réjouit, encore aujourd'hui, celui qui, pendant les années de guerre, portait le nom de code Saphar. La conférence du compagnon de Boussouf, qui a eu lieu au siège du Crasc, entre dans le cadre du cycle de conférences "Témoignages sur la guerre de Libération nationale", co-organisé par le Cema et le Crasc. S. O. A.