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Boussouf sort de l'ombre
IL ETAIT UNE FOIS LE MALG
Publié dans L'Expression le 12 - 08 - 2007

La majorité des gens voient Boussouf en militaire, colonel, oubliant qu'il était avant tout un homme politique de valeur.
Le Malg est l'abréviation du Ministère de l'Armement et des Liaisons générales, ministère créé le 16 Janvier 1960 par le Cnra, qui résulte de la fusion de deux ministères, celui des Liaisons générales et des Communications détenu par Boussouf Abdelhafidh et celui de l'Armement et du Ravitaillement général détenu par Chérif Mahmoud, relevé de ses responsabilités lors de ce remaniement.
C'est la rencontre exceptionnelle d'un responsable hors du commun et d'une jeunesse ayant abandonné ses études après la grève de mai 1956, disposée à affronter l'ennemi, disposée à confronter tous les problèmes et les misères, mieux disposée au sacrifice suprême pour que vive l'Algérie indépendante.
Cette jeunesse était formée d'élèves préparant leur baccalauréat et d'étudiants de première et deuxième année pour la plupart.
En fonction de leur date de recrutement, de leur compétence et des besoins, ces éléments étaient dirigés sur des centres de formation bien spécifique.
C'est ainsi que l'on peut chiffrer approximativement le nombre des éléments en question à 1500 personnes auxquelles il faudrait ajouter plus d'un millier d'agents.
L'Association nationale du Malg prépare un document avec des informations sur l'ensemble des éléments de ce ministère.
Le Malg était structuré comme suit:
Le secrétariat général avec comme secrétaire général, Laroussi Khalifa (Abdelhafid)
La direction des transmissions sous la responsabilité de Telidji Ali (Cdt Omar).
La direction de la vigilance et du contre-renseignement sous la responsabilité de Berrouane Abderahmane (Safar) et comme adjoints Bouzid Abdelkader (Abou El Fath) et Maoui Abdelaziz (Saddek).
La direction de la documentation et de la recherche sous la responsabilité de Khelladi Mohamed (Tahar) et comme adjoint Bessayah Boualam (Lamine).
La direction des liaisons générales sous la responsabilité de Rouai Hadj Mohamed (Tewfik ou Hadj Perrégaux) et comme adjoint Méliani Ménouar (Djamal).
La direction de l'armement à sa tête Benmostefa Amar (colonel Benaouda) et comme adjoint Bayou Saïd.
La direction de l'armement ouest sous la responsabilité de Boudaoud Mohamed (Mansour) et comme adjoint Labbaci (Azzouz).
La base Didouche sous la responsabilité de Hassani Abdelkrim (Ghaouti).
Un secrétariat à Rabat sous la responsabilité de Delci Noureddine (Rachid).
Un secrétariat au Caire sous la responsabilité de Deroua Ali Chérif (Ali Chérif)
Abdelhafidh Boussouf
Né en août 1926 à Mila, il appartenait à la branche appauvrie ‘'d'une grande tente''.
Après avoir obtenu son brevet élémentaire à Constantine, il travaille comme livreur dans un magasin de vêtement dès la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Il adhère au PPA/Mtld à l'âge de 16 ans avant même d'obtenir son diplôme du brevet élémentaire.
En 1947, il devient membre actif de l'Organisation secrète (OS) à Constantine.
En 1950 il est nommé chef du parti à Philippeville (Skikda) jusqu'à la fin de 1952. Recherché, il est muté à Oran puis à Tlemcen.
En juillet 1954 il assiste à la réunion des 22 qui a décidé du déclenchement de la Révolution.
Au 1er novembre 1954 il est l'adjoint de Larbi Ben M'hidi désigné comme responsable de la Zone 5.
Après le congrès de la Soummam et la nomination de Ben M'hidi comme membre du Comité de coordination et d'exécution (CCE) il est nommé colonel commandant de la wilaya V.
En août 1957, il devient membre du CCE et du Comité permanent de la révolution (CPR) et désigne Houari Boumediene à la tête de la wilaya V.
Le 18 septembre 1958, il est nommé ministre des Liaisons générales et des Communications ayant son siège au Caire.
Le 16 janvier 1960, il devient ministre de l'Armement et des Liaisons générales (Malg).
A la même date, il devient membre du Comité interministériel de la guerre (CIG) avec Krim Belkacem, vice-président du Gpra, ministre des Affaires étrangères et Bentobal Lakhdar, ministre de l'Intérieur.
Ce Comité est désigné pour contrôler et superviser l'état-major général de l'ALN (MG) dirigé par Houari Boumediene.
Après la crise de 1962, il se retire à Tunis et devient un homme d'affaires de renommée internationale.
En 1964, il assiste au congrès du FLN tenu à Alger du 16 au 21 avril 1964, sans pour autant avoir à intervenir mais disposé à répondre à toutes les attaques.
Depuis cette date jusqu'à sa mort, il s'est toujours tenu loin de la politique, tout en se disant disponible pour servir la patrie.
Durant la crise de 1962, il avait demandé à l'ensemble de ses troupes de s'abstenir de prendre position dans la crise et d'être à la disposition du pays, quel qu'en soit le vainqueur.
Depuis cette date jusqu'à sa mort à Paris, le 31 décembre 1980, il n'a jamais donné d'interview à qui que ce soit, ni donné son point de vue de façon officielle.
Il est mort dans son appartement à Paris, en présence de sa femme, d'une crise cardiaque alors qu'il discutait au téléphone avec Si Mohamed Fquih Basri, opposant marocain qui lui avait téléphoné pour lui présenter ses voeux pour la nouvelle année.
Il était marié depuis 1960 à une Algérienne et père de trois enfants dont l'aîné est décédé à l'âge de 11 ans suite à une leucémie.
Contrairement à ce que beaucoup de personnes véhiculent, il n'a jamais revu Boumediene depuis une fameuse rencontre de réconciliation organisée conjointement par Zeghar Messaoud (Rachid Casa) et Noureddine Delci dans l'appartement de Zeghar à Casablanca, le 12 février 1962. Zeghar est arrivé à convaincre Boumediene de la nécessité de cette rencontre. Delci en a fait de même avec Boussouf. Réunis dans l'appartement, Zeghar et Delci se sont excusés de ne pas assister à leurs discussions et ont promis de revenir au bout de deux heures. A leur retour, ils n'ont trouvé que Boussouf qui les a informés que Boumediene a quitté l'appartement, vingt minutes après eux, refusant tout compromis.
D'autre part, cette biographie doit être complétée par certaines précisions:
Formation de Boussouf
Harbi écrit dans son livre Un homme debout, page 92: «Jeune étudiant en 1952 à Skikda, Boussouf m'a recommandé la lecture de deux livres Que faire de Lénine et l'Ere des organisateurs (The Managerial Revolution) de James Burnham.»
Tout le monde connaît plus ou moins Lénine, quoique peu d'Algériens, du moins en ce temps-là, avaient lu son oeuvre
Que faire? Sans parler de l'Ere des Organisateurs de James Burnham, le père de la philosophie du libéralisme actuel.
Si on recommande ces livres, c'est qu'on les a déjà lus, c'est le moins que l'on puisse en conclure.
D'autre part, en septembre 1959, Boussouf m'offre un livre que je garde encore jalousement comme souvenir Le Viol des foules par la propagande politique écrit par Serge Tchakhotine (1883-1973) élève de Ivan Pétrovitch Pavlov. Ce livre a été censuré par le ministère français des Affaires étrangères en 1939, détruit par les Allemands après avoir occupé la France, interdit de publication et de vente sur tous les territoires occupés par Hitler, ce qui prouve s'il en est besoin, sa valeur. (livre publié chez Gallimard en 1952).
Boussouf paraissait très renfermé. Bien au contraire, sous un aspect sévère, il était très ouvert dès que la discussion devenait intéressante.
Les autres traits de son caractère sont: l'intelligence, la malice, la provocation, son esprit cartésien, ses capacités de travail, sa curiosité, son sens de l'organisation et son appétit culinaire qui a été l'un de ses problèmes majeurs après la Révolution. Dès l'indépendance, ayant eu des problèmes de tension, ses médecins lui avaient prescrit un régime qu'il refusait d'appliquer, allant jusqu'à acheter du pain et le consommer en dehors de chez lui.
Les anecdotes ci-dessous donnent une idée de son caractère:
Je l'ai vu à trois reprises pincer, avec l'index et le majeur, le nez de Ferhat Abbas, président du Gpra, en lui disant: ‘'Tu vois que nous t'avons ramené à nous et qu'on a fait de toi notre président'' et Abbas de répondre: ‘'Mabrouk, n'oublie pas l'adage français, jeu de mains, jeu de vilain'' ce qui n'empêchait pas Boussouf d'éclater de rire en ajoutant: ‘'Vilain ou pas, tu es avec nous''.
En octobre 1960, Boussouf me remet une lettre blanche, fermée pour me demander de la mettre dans le coffre. Quelques jours plus tard, il me demande de lui remettre la lettre qu'il garde un jour, puis me la redonne toujours en me demandant de la garder dans le coffre.
Ce va-et-vient de la lettre s'est produit à trois reprises. En la remettant à chaque fois dans le coffre, je mettais dessus un dictionnaire parce qu'elle était froissée lorsqu'il me la remettait de nouveau.
La dernière fois, il me demande de lui remettre la lettre et m'invite à déjeuner dans le restaurant l'Union en face de la Cour suprême d'Egypte. Après avoir commandé pour deux, Boussouf ouvre la lettre, me fixe droit dans les yeux et m'accuse d'avoir ouvert la lettre.
Je lui ai répondu que je ne l'ai pas ouverte, et si elle n'est pas froissée, c'est que chaque fois qu'il me la remettait de nouveau, je mettais dessus un dictionnaire. Il me rétorque, je ne suis pas fou, m'accusant encore de l'avoir ouverte. Ayant maintenu mes dires, il me montre une feuille blanche recto verso, qu'il venait de tirer de l'enveloppe en criant, «tu vois bien, je ne suis pas fou pour te donner une enveloppe avec une feuille blanche». S'étant aperçu que je commençais à paniquer, ne sachant quoi lui répondre, il arrête les dégâts par «c'est un test, Ali Chérif». Inutile de vous dire que je n'ai pas pu déguster le poulet désossé qu'il m'avait commandé.
En janvier 1960, Boussouf invite le colonel Lotfi, de passage au Caire, et lui déclare: «Lotfi, les Français ont fait en 1789, une révolution qu'ils exploitent jusqu'à ce jour. Nous, nous avons fait une Révolution aussi grande, dont nous ne sommes pas à la hauteur, car elle est déjà partie, en nous laissant dans un oued».
Cette réflexion, à elle seule, donne une idée de son caractère, de sa valeur, de sa lucidité et de ses prévisions futures sur l'Algérie.
En 1960, Boussouf demande à Mahmoud Amrani, l'un des opérateurs au Caire, pourquoi ses collègues le surnomment Djeha. Celui-ci lui répond: «Pourquoi me le demander à moi, demandez-le à ceux qui m'ont donné ce surnom», et Boussouf de lui rétorquer: «Je comprends maintenant pourquoi ils te surnomment Djeha, parce que réellement tu le mérites.»
Je pourrais citer plusieurs exemples à même de vous donner une idée de sa valeur, de son intelligence, de sa malice ou de son espièglerie
Comme chaque individu, Boussouf n'était pas exempt de défauts dont le plus visible était une méfiance viscérale.
La majorité des gens voient Boussouf en militaire, colonel, oubliant qu'il était, avant tout, un homme politique de valeur.
Pour corroborer mon jugement, quoi de plus simple et logique que de citer un article écrit par Abdelhafid Boussouf, officier de l'ALN, chef adjoint de la zone V, sur El Moudjahed n°2 de juin 1956, Tome I, page 32 sous le titre:
Mission libératrice de l'ALN
«L'ALN est venue au monde le même jour que le FLN et la Révolution du 1er Novembre».
Alors que le FLN traduit les objectifs révolutionnaires du peuple algérien et ses aspirations nationales, l'ALN est, et demeurera l'outil complémentaire indispensable.
Indissolublement liés, l'un et l'autre ont puisé leur raison d'être dans le joug colonialiste français, la volonté libératrice de la nation algérienne, la faillite des partis politiques algériens, enfin l'entêtement aveugle et l'esprit rétrograde de Messali.
L'un et l'autre s'appuyant sur les énergies vives du pays feront triompher envers et contre tous, les forces militaires et policières françaises et les contre-révolutionnaires, les droits sacrés du peuple algérien à vivre libre, chez lui et à bâtir son destin...
Puisant leurs réserves intarissables dans le soutien indéfectible et la volonté indomptable du peuple, l'ALN et le FLN, les facteurs de l'évolution historique maghrébins et internationaux aidant, briseront les chaînes de l'impérialisme et consacreront la libération du pays.
Guidée par le sage et clairvoyant FLN, expression de la nation martyre, l'ALN gagnera cette bataille de l'indépendance comme celle de l'unité et de l'émancipation nationale.
Après s'être attaqué aux positions des communistes et des socialistes français, entre autres, il ajoute: «Si aujourd'hui, nous dénonçons ces faits, ce n'est pas que nous sommes animés par un quelconque chauvinisme contre le peuple de France, c'est surtout pour faire disparaître l'illusion chez ceux d'entre nous -surtout des intellectuels- qui croient pouvoir mettre fin au conflit algérien en influençant l'opinion en France».
Il conclut: «Nous sommes sûrs de les chasser définitivement du sol de nos ancêtres. La patrie libérée pourra alors retrouver la paix, la sécurité et le bonheur et entretenir des relations amicales avec tous les peuples de la terre.»
Je pense qu'un tel article prouve si besoin est que Boussouf était avant tout un homme politique.
Malheureusement, Boussouf n'est perçu qu'à travers un événement tragique qui a noirci l'histoire de la Révolution. Cet événement est abordé dans un chapitre concernant cette affaire.
Les transmissions
La première promotion a formé sous la responsabilité de Telidji Ali (commandant Omar) assisté de Saddar Senouci (Moussa) et de Reynold Ervin (Zidane), 26 opérateurs dont la liste suit par ordre alphabétique: Aïdaoui Omar (Youcef), Attar Mohamed (Farid), Benacef Mustapha (Larbi), Benachour Abdelkader (Azzouz), Benachenou Mourad (Hamou), Bendimerad Ahmed (Chahid), Benmiloud Nourredine (Bensouda), Benyakhlaf Hassan (Mounir), Berrounane Abderahmane (Safar), Bouzid Abdelkader (Aboul Feth), Chenaf Abdelkrim (Kaddour), Dekkar Boualem (Ali Guerras), Dib Boumediene (Abdelmoumen) Gaouar Abdelmadjid (Aïssa), Hacini Ahmed (Omar), Hadjadj Aoul Mustapha (Mahfoud), Hakiki Mohamed Benamar (Rachid) Hamdani Brahim (Zenaga) Kharroubi Abdelkader (Abounasr) Krim Hocine (Wassini), Maâkel Ahmed (Abdelghani), Msirdi Larbi (Hocine), Nakkache Mustapha (Chérif), Rahali Benamar (Miloud), Rostane Mohamed (Abdelwafi), et Seferdjeli Mohamed (Mansour).
La sortie de cette promotion date de septembre 1956.
Cette promotion a été formée dans une villa à Oujda dans des conditions très difficiles, promiscuité, clandestinité et en un temps record, moins de deux mois, alors que dans l'armée française, la formation durait neuf mois.
Lorsque Boussouf est devenu membre du CCE à la réunion du Cnra au Caire, en août 1957, plusieurs cadres formés à Nador et à Oujda ont été mutés à Tunis pour aider à l'implantation nationale des services de transmissions. En Tunisie, un début de création des services de transmissions a été initié par les autorités militaires de la Révolution, sous la responsabilité de Laghouati Abderrahmane, connu sous le nom de Laroussi.
A partir de septembre 1957, les promotions des transmissions se faisaient successivement au Maroc et en Tunisie. C'est ainsi que les promotions 1, 2, 3, 4, 6, 8, 10 et 12 sont sorties de Nador et les promotions 5, 7, 9 et 11, de Tunis.
Il y eut aussi, quatre promotions de techniciens radio ainsi que deux promotions de chiffreurs durant la lutte de Libération.
C'est ainsi que l'on peut quantifier à 500 opérateurs, techniciens et chiffreurs, le nombre des éléments des transmissions durant la lutte de Libération.
A la formation du Gpra, l'organigramme des transmissions était le suivant:
Telidji Ali (Omar), commandant des transmissions nationales.
Il est à signaler que Telidji Ali (Omar) a été le premier commandant de l'ALN dont la nomination a été décidée durant la 2e réunion du Cnra au Caire en août 1957.
Bouzid Abdelkader (Abou El Fath), directeur de l'exploitation.
Hassani Abdelkrim (Ghaouti), directeur des écoles.
Laghouati Abderahmane (Laroussi), inspecteur.
Saddar Snoussi (Moussa), directeur technique.
En 1960, le service du chiffre qui faisait partie intégrante du corps des transmissions a été rattaché à la Direction de la vigilance et du contre-renseignement (Dvcr). Jusqu'à l'indépendance, il a été dirigé par Abou El Fath.
A la fin de l'année 1957, les huit zones de la Wilaya V étaient pourvues d'une station radio avec deux opérateurs ainsi que les PC des cinq autres wilayas.
Sur le plan militaire, des centres d'écoute de l'ennemi opéraient dans une clandestinité totale sur les deux frontières ouest de l'Algérie à Oujda et Figuig au Maroc et est à Ghardimaou et Kef en Tunisie.
Avec ces centres d'écoute, nous parvenions à suivre les déplacements des troupes ennemies, à connaître le nombre des unités engagées dans les opérations et à écouter les commentaires de certains opérateurs français sur leurs supérieurs et sur leur moral.
Nous suivions à la trace les déplacements des troupes, les informations qu'elles s'échangeaient durant les accrochages, les ordres donnés à leur aviation pour intervention, etc.
Tous les messages captés, par morse ou par phonie étaient immédiatement remis aux autres services du Malg et aux autorités militaires concernées pour exploitation immédiate.
Sur le plan diplomatique, des stations ont été installées à la disposition des missions diplomatiques algériennes à Rabat, Tunis, Tripoli, Le Caire, Damas, Baghdad, Pékin, Conakry, Bamako et Accra.
Pour ceux qui s'intéressent aux transmissions, je leur recommande tout particulièrement, la lecture de Ondes de choc, les transmissions durant la lutte de libération de Senoussi Saddar éditions Anep, Les Maquisards, Mansour Rahal Besouiche Abdelmadjid Benmaâlem
La Radiodiffusion
Le 16 décembre 1956 a été l'apothéose de l'apport des transmissions nationales à la Révolution.
Ce jour-là à 20 heures, a résonné à travers les ondes une nouvelle radio avec comme slogan: «Ici la radio de l'Algérie libre et indépendante, la voix du Front de libération et de l'Armée de libération nationale qui vous parle de l'intérieur de l'Algérie».
Cet instant solennel s'est déroulé en présence de Boussouf, chef de la wilaya V, Boumediene, son adjoint, Maâchou Abdelkadre (Abdeldjelil), responsable FLN pour le Maroc oriental, commandant Omar, Saddar, Seferdjli Mohamed, Benachour Abdelkader, Chenaf Kaddour, tous éléments des transmissions, Mokrane Mohamed (Nasser) et Taouti Ahmed (Chaâbane) responsables de la wilaya V.
Le même texte écrit par Maâchou Abdelkader sera lu par trois speakers avec des noms choisis qui sont tout un programme: Okba (Bencheikh Redha, membre de l'Association des oulémas, ancien directeur de la médersa de Beni Saf) en arabe Salahdeddine (Méziane Abdelmadjid, intellectuel et militant FLN), en français Youghourta (Benabdallah Hamoud), magistrat exerçant au Maroc, militant du FLN, en tamazigth.
Quel beau trio de noms symboliques et de valeurs intrinsèques qui feront vibrer le coeur des Algériens durant la lutte de Libération.
Plus tard, ils seront rejoints par Aïssa Messaoudi. Par la tonalité de sa voix, la profondeur de ses messages, la vivacité de son esprit, la fermeté de sa foi, il devient l'incarnation et le symbole de l'Algérie combattante. Orateur convaincant et convaincu, il transmettait à travers le timbre de sa voix, toute la passion d'un peuple disposé à mourir pour que vive l'Algérie. Hérault du combat libérateur, il ne tarda pas à devenir la fierté de tout un peuple.
Quoi de plus magnifique que le témoignage du président Houari Boumediene: «Aïssa, par tes appels tu as permis à des dizaines de milliers d'Algériens de rejoindre le maquis». Durant plusieurs années, les Algériens attendaient avec impatience, chaque soir, Aïssa Messaoudi prononcer, avant chacun de ses discours, cette formule magique: «Ici la voix de l'Algérie libre et combattante. La voix du Front de libération nationale et de l'Armée de libération nationale qui vous parle d'Algérie».
La Direction de la vigilance et du contre-renseignement
La Direction de la vigilance s'occupait tout spécialement de l'infiltration d'éléments ennemis dans les rangs de la Révolution. Il est inutile de rappeler que l'ennemi était la quatrième puissance militaire, économique et politique de la planète et qu'elle disposait d'un des réseaux de renseignements les plus performants de l'époque. Boussouf avait peur aussi de l'infiltration dans nos rangs d'éléments messalistes à la solde de l'ennemi.
Sécuriser la révolution était l'objectif principal de cette direction. La direction du contre-renseignement avait une toute autre mission. Celle-ci consistait à analyser, filtrer afin de confirmer la véracité du renseignement reçu et ne pas se contenter de l'exploiter dès sa réception.
Dans ce cadre, cette direction utilisait, à leur insu, souvent deux ou éléments sur le même sujet pour pouvoir décider de la valeur du renseignement obtenu.
L'étanchéité des services était la meilleure garantie du travail parfait. Ce qui n'empêchait pas une certaine synergie entre les différents services tout au long des années durant lesquelles ils exerçaient.
La direction de la documentation et de la recherche.
La direction de la documentation est chargée de la lecture et de l'analyse de tous les documents concernant la vie politique, économique et militaire de tous les pays de la planète et tout particulièrement ceux de France, d'Algérie et des pays voisins, frères et amis.
Elle recevait les renseignements collectés par les différents services et préparait des notes de travail à tous les services du gouvernement provisoire pour exploitation ou information.
La direction de la recherche était spécialisée sur des opérations bien spécifiques qui intéressaient surtout les aspects de projection des positions algériennes durant la lutte de Libération.
Les Directions de l'armement est et ouest avaient les mêmes structures et pratiquement les mêmes services: Service de l'armement et du matériel, service du ravitaillement général.
A l'est, il y avait des bases d'implantation en Tunisie, en Libye, Egypte, Irak et Syrie.
A l'Ouest, il y avait des bases au Maroc et tout particulièrement dans le nord de ce pays, partie colonisée par l'Espagne où la sécurité était meilleure par rapport au reste du territoire marocain.
Au Maroc aussi, le Malg avait installé clandestinement une usine de production d'armement tels que mortiers, mitraillettes, obus et munitions.
A ceux qui s'intéressent à l'histoire de la Révolution et au rôle du Malg je leur conseille de visiter le musée de l'ANP, à Alger, où les armes produites par le Malg se trouvent exposées.
Je leur conseille aussi de lire les livres écrits par certains frères tels que: La logistique durant la guerre de Libération de Abdelmadjid Bouzbid, C'étaient eux les héros de Mustapha Benamar, Les hommes de l'ombre de Mohamed Lemkami.
La base Didouche, située à 80km au sud de Tripoli en Libye, était le centre nerveux de la Révolution. Tout était centralisé dans cette base de Libye où travaillaient nuit et jour, dans une clandestinité totale plus de 200 personnes. Chacun dans son secteur d'activité lisait, analysait, synthétisait l'information ou les journaux, revues spécialisées pour en tirer les conclusions à même d'être exploitées. La plupart des éléments présents dans cette base formaient l'élite des services du Malg à même de donner le meilleur d'elle-même pour que la direction, autant civile, que militaire de la Révolution, soit alimentée journellement de toutes les informations nécessaires lui permettant de prendre, en connaissance de cause, ses responsabilités.
Le rôle principal était de donner aux autorités algériennes toutes les informations nécessaires sur l'ennemi (politiques, économiques et militaires) afin de leur permettre d'analyser les situations et de prendre les décisions adéquates.
A titre d'exemples, je me permets de vous raconter deux anecdotes qui, à elles seules, donnent une idée du travail colossal des éléments de cette base.
Le président Ferhat Abbas, de passage en Libye, visite pour la première fois la base Didouche. Il n'en croit pas ses yeux et s'exclame: «Je comprends maintenant, l'origine des documents exceptionnels que Boussouf fournissait au Gpra»
Lakhdar Bentobal, ministre de l'Intérieur, visite lui aussi la base et devant l'élément qui lui présente le fichier, Ahmed Ouadane (Habib), il demande s'il est possible de voir sa fiche. Après un regard de connivence avec Boussouf pour demander quoi faire, il retire la fiche et la lui remet. Bentobal réplique: «Tes éléments me connaissent beaucoup plus que toi que je fréquente depuis toujours» puis demande à voir la fiche de Boussouf. Ayant lu celle-ci il s'exclame de nouveau: «Ils te connaissent beaucoup plus que moi, chapeau»...
(*) Ancien responsable au Malg


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