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Adnane Lamri, un survivant de la manifestation de la place d'Italie, raconte
54e anniversaire des massacres du 17 Octobre 1961
Publié dans Liberté le 17 - 10 - 2015

Le 17 Octobre 1961 à Paris, Adnane Lamri, dit Abdelhamid, était à la place d'Italie. Aujourd'hui, âgé de 75 ans, le moudjahid nous raconte cet événement tel qu'il l'a vécu. "Les attentats des 24 et 25 août 1958 en France ont marqué le transfert de la guerre de Libération nationale vers la métropole, divisant, du coup, l'effort de guerre colonial et renforçant le FLN. La population algérienne, en France, comptait à l'époque 400 000 personnes dont 130 000 dans Paris et sa région. Cette population était fortement structurée au sein de la Fédération du FLN et était d'un grand apport financier à la Révolution. Pour détruire cet effort, Maurice Papon, préfet de police à l'époque, entama les grandes rafles dans la région parisienne pour connaître les Algériens qui y vivent, faire un recensement et, par-delà, détruire les réseaux du FLN en France, notamment à Paris, ce qui a poussé le FLN à reconstituer constamment ses réseaux", dira Si Abdelhamid. Et de poursuivre : "Papon, avec le ministre de l'Intérieur de l'époque, Roger Frey, décidèrent alors l'instauration d'un couvre-feu spécifique aux Algériens de 20h30 à 5h30 du matin, à partir du 6 octobre (1961). Une situation qui allait asphyxier l'activité des militants qui ont demandé aux responsables hiérarchiques de trouver une solution. C'est alors qu'il a été décidé l'organisation d'une grève pacifique, le 17 Octobre 1961 à partir de 20h30, suivant le couvre-feu. Les mots d'ordre étaient une manifestation pacifique, sans aucun port d'objet pouvant donner prétexte aux autorités. Les autorités françaises n'ont appris la chose que le matin du 17 Octobre. Papon a immédiatement mobilisé les transports parisiens (RATP), 7 000 policiers, 1 400 CRS et gendarmes, ainsi que des supplétifs pour boucler toutes les portes de Paris.
Les Algériens de la banlieue sont venus dans la journée. 80 000 manifestants ont déferlé sur les avenues et places de Paris, porte d'Ivry, place d'Italie, place de la Concorde, place de Clichy, boulevard Saint-Michel, boulevard de Rouen, place de la République, place de la Bastille, Clichy, Odéon, Chatelet-Montparnasse, porte de Montreuil et pont de Neuilly. Une répression sanglante se déclencha, l'ordre a été donné à la police de faire ce qu'elle peut et ce qu'elle veut, ce qui a conduit à un véritable massacre qui s'est terminé tard dans la nuit du 18 octobre." Adnane Lamri, qui, à l'époque, ignorait que cet événement allait marquer sa vie à jamais, se remémore, comme si c'était hier, ce qui s'est passé ce jour-là. "Lorsque les policiers procédaient à des arrestations du côté de la Seine, ils demandaient aux Algériens s'ils savaient nager, si non, on leur attachait un poids lourd pour qu'ils ne remontent pas et on les jetait à l'eau, on liait les mains à ceux qui déclaraient savoir nager pour qu'ils ne puissent pas sortir de l'eau", se souvient Si Abdelhamid.
Selon lui, entre 12 000 et 15 000 interpellations ont eu lieu, 1 500 ont été refoulés vers l'Algérie et il y aurait eu entre 300 à 400 morts, 2 400 blessés, 400 disparus et 3 000 envoyés en prison. Maurice Papon avait préparé des centres de tri et d'internement à Paris, au palais des Sports, au stade de Coubertin et à Drancy. C'était une nuit infernale pour la population algérienne en France.
B. N.


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