Selon de nombreux experts, le secteur informel a accumulé en quelques décennies des fortunes colossales, estimées à plus de 50% de la masse monétaire qui circule en Algérie, échappant au fisc et à toute institution de contrôle. Cette manne financière représenterait environ 60 milliards de dollars. Trente milliards de dollars sont brassés par la seule zone d'El-Hamiz, sans parler des villes frontalières telles que Zouia à l'ouest, Aïn Beïda à l'est, Tadjenent, plaque tournante du marché informel de la devise, Ouargla et El-Oued au sud-est et Béchar au sud-ouest, pour ne citer que ces villes où le commerce informel a pignon sur rue et dont le trafic des marchandises que l'Etat subventionne favorise la fuite de ces biens vers les pays voisins, souvent avec la complicité de certaines autorités locales. Aujourd'hui, alors que notre pays est frappé de plein fouet par la crise liée à la chute vertigineuse des cours des hydrocarbures, les pouvoirs publics tentent de capter cette manne à travers une amnistie qui ne dit pas son nom. Des conditions plus qu'avantageuses sont concédées par l'Etat pour bancariser le capital informel. Dans un entretien accordé à l'APS, l'actuel ministre des Finances a déclaré que "les banques vont mener un travail de proximité pour inciter les détenteurs de capitaux informels à déposer leur argent dans la sphère bancaire dans une totale discrétion et sécurité... Nous avons assisté durant ces 15 à 20 dernières années à une intense activité, et c'est le moment pour ramasser maintenant cet argent." Par ailleurs, cette opération vient en application d'une mesure instituée par la loi de finances complémentaire 2015 qui a fixé à 7% la taxation forfaitaire libératoire applicable sur les sommes déposées auprès des banques. C'est une amnistie de fait qui ne dit pas son nom. Même si Sellal exclut l'argent sale de cette opération, tels que les capitaux qui proviennent des activités illicites (terrorisme, trafic de drogue, grand banditisme etc.), Il n'en demeure pas moins qu'il sera très difficile, voire impossible pour les banques d'identifier l'origine des fonds qui seront déposés auprès de ces institutions tant les interconnexions entre le secteur informel et les activités illicites sont fortes. Au demeurant, le lobby de l'informel interfère aujourd'hui, y compris dans les décisions de la sphère politique et économique. Tout le monde sait que le Parlement ainsi que certains élus locaux ont bénéficie de la "générosité de la chkara". D'un autre côté, on peut s'interroger sur la coïncidence entre l'opération de bancarisation de l'argent informel annoncée par les pouvoirs publics et la décision de la GAFI de retirer l'Algérie de la liste des pays qui favorisent le blanchiment d'argent. En fin de compte, si cette option réussit, ce serait une bonne chose à plus d'un titre. (Apport de capitaux frais en pleine crise, harmonisation du socle économique avec la disparition progressive du secteur informel et de ses effets pervers etc.). Mais le doute est permis quand on observe la ruée sur les monnaies européennes et américaines des tenants de l'informel et des activités illicites. Cette tendance exprime un manque de confiance dans les institutions ainsi qu'une réticence de ces "nouveaux riches" à s'insérer dans une dynamique de solidarité nationale qui favoriserait l'émergence d'une économie productive.