L'opposition voit dans la démarche des «dix-neuf» une manœuvre suspecte, vu que ces personnalités se comptent parmi les soutiens et proches du Président à l'image de Mme Bitat qui avait le privilège d'avoir son oreille et qui, apparemment, n'a plus accès à sa résidence. Une situation qui renseigne ainsi sur son isolement et son éloignement, y compris de ses amis. Atmane Mazouz, secrétaire national chargé de la communication a estimé dans une déclaration à Liberté que la démarche des dix-neuf est "un cinglant désaveu pour Bouteflika de l'intérieur de sa maison". Il a indiqué que la démarche n'a rien d'une initiative politique. "Le plus grave dans leur démarche, qui n'a, d'ailleurs, rien d'initiative politique, est qu'elle préconise insidieusement un examen médical pour le chef de l'Etat malade", a-t-il déclaré avant de remettre en cause leurs motivations. "Les motivations de ces ‘personnalités' sont plus que suspectes et ce réveil tardif sonne comme une instrumentalisation abjecte. Au RCD, nous agissons par des propositions politiques et non par des constats qui doivent passer par une audience. La démarche est sévère et pleine de sous-entendus qui n'aident pas à l'instauration d'une transition démocratique salvatrice et apaisée pour la nation. Je doute fort que leur demande soit acceptée. Cette entreprise est plus que douteuse", a-t-il souligné. Le président de Jil Jadid, Soufiane Djilali y voit le signe de la vacance du pouvoir. "Je suis convaincu que Bouteflika n'exerce plus le pouvoir qu'il a remis de manière occulte à des gens qui sont autour de lui. Donc, la vacance du pouvoir est évidente. Je pense, pour revenir à l'initiative des ‘dix-neuf', que la question qui se pose est de savoir si Bouteflika n'est pas un otage", s'est-il interrogé. Il a illustré son propos par la qualité des signataires qui se comptent parmi les proches du Président. "Je suis ravi de voir que ce sont les femmes du Président, si j'ose dire, à l'image de Mmes Bitat, Toumi et Hanoune qui l'ont soutenu mordicus, y compris pour le 4e mandat et qui se rendent compte qu'il n'exerce plus le pouvoir. Elles s'aperçoivent que leur responsabilité est engagée pour ce qu'elles ont fait afin de le faire réélire ou désigner alors qu'il est devenu un grave danger pour le pays. Il me semble, en tout cas, très difficile que Bouteflika puisse les recevoir, vu son état de santé. D'autant que son entourage, qui le cache aux Algériens, ne le permettrait pas". Lors de sa conférence de presse tenue hier à Alger, le président du Front national algérien (FNA), Moussa Touati, lui, a émis des doutes sur cette l'initiative des dix-neuf. Il a soupçonné que la démarche ne soit politiquement intéressée. "Ce n'est qu'une simple manœuvre. Ce groupe est constitué de gens qui veulent reprendre les postes de responsabilité qu'ils ont perdus", a-t-il soutenu. Cela avant qu'il n'ironise en s'interrogeant sur la nécessité d'aller s'enquérir de l'état de santé d'Abdelaziz Bouteflika : "François Hollande a dit que le Président algérien se porte bien. Paris a parlé, pourquoi douter alors ?". Moussa Touati est ainsi allé jusqu'à accuser ce groupe de "vouloir tromper le peuple sur l'existence d'un semblant d'opposition". Les partis islamistes ont diversement apprécié cette initiative. Si Ennahda et le MSP y ont vu un "réveil politique" et une "initiative louable", Taj a dénoncé une "tentative de remise en cause des institutions de l'Etat, notamment du président de la République". "En gros, c'est une initiative louable. Quand le pays est dans l'impasse, tout le monde doit faire quelque chose. Les personnalités qui sont proches du pouvoir politique sont également concernées et cette initiative peut ouvrir une voie à l'effet d'alerter davantage ce pouvoir", a dit Belmokhi Lalaoui, membre du bureau national, chargé des affaires politiques au mouvement Ennahda. Même s'il pense qu'elle procède notamment à des calculs pour l'après-Bouteflika. "Le but de cette démarche pourrait procéder, en revanche, à des calculs pour l'après-Bouteflika. Le Président est physiquement diminué et il se peut que les dix-neuf veuillent se placer", a-t-il ajouté. Abderrezak Makri, président du MSP, a salué un "réveil politique qui est le bienvenu". Surtout, a-t-il relevé, que certaines personnalités parmi les dix-neuf étaient de fervents défenseurs du système politique ou faisaient même partie de ce système. "Que ces gens ressentent les dangers de la situation, c'est très bien. Cette initiative réconforte la vision et la stratégie de l'opposition. Cela veut dire que tous les événements consolident les positions de l'opposition et le MSP qui avait mis en garde en tant que parti, les Algériens contre les dérives que tout le monde constate aujourd'hui", s'est-il félicité. Le Taj du ministre Amar Ghoul a qualifié cette initiative de "tentative de mettre en doute les capacités du président de la République à diriger le pays". Son porte-parole, Nabil Yahiaoui, a lancé un appel à l'intention de la classe politique l'invitant à "éviter les tiraillements politiques et de la polarisation". Il a appelé à l'unité face aux défis qui s'imposent afin de préserver la stabilité du pays. Nabil Yahiaoui a cependant dénoncé ce qu'il a qualifié de "doutes exprimés à l'égard des institutions de l'Etat, notamment la présidence de la République". "Nous considérons que le président de la République assume ses fonctions constitutionnelles dans des conditions normales", a-t-il affirmé, soulignant qu'"il reçoive les chefs d'Etat et des responsables étrangers, préside les conseils des ministres et suive de près toutes les questions qui intéressent le citoyen et le pays". "Cette remise en cause a été déjà formulée auparavant mais, à chaque fois, elle a été démentie", a-t-il insisté. "Dans toute démocratie, nous sommes tenus de respecter les avis des autres. Il est normal que les opinions s'expriment, mais chaque chose a des limites", a-t-il conclu. A. R./L. H./M. M.