C'est presque devenu un rituel : depuis son retour d'une longue éclipse estivale, le secrétaire général du FLN, Amar Saâdani ne rate plus aucune occasion pour habiller pour l'hiver, le secrétaire général par intérim du RND, Ahmed Ouyahia. Même si le propos est quelque peu policé, il n'en demeure pas moins qu'il décoche toujours des piques à l'encontre du chef de cabinet de la présidence de la République. Hier encore, Amar Saâdani, à la faveur d'un entretien accordé à un confrère, est revenu à la charge pour réitérer que le prochain candidat du FLN à l'élection présidentielle de 2019 sera issu exclusivement des rangs du parti. Mieux, il ne soutiendra aucun candidat fût-il issu d'un courant politique proche, comprendre le courant nationaliste duquel se revendique le RND. "Le FLN va-t-il soutenir Ahmed Ouyahia si celui-ci venait à se présenter ?", interroge le journal. Réponse cinglante de Saâdani : "Ni lui ni quelqu'un d'autre ne marchera sur le dos du FLN pour arriver au palais d'El-Mouradia." Même la proposition de la reconstitution de l'alliance présidentielle pour porter le programme du président de la République n'emballe pas le patron du FLN, comme il l'a déjà exprimé il y a quelques semaines, avec cette fois cette précision sur les motivations qui la sous-tendent, selon lui. "Le FLN dispose de la majorité absolue dans l'Exécutif, on n'accepte pas la formation d'une alliance dont l'objectif est la participation au gouvernement". Voilà qui a le mérite de la clarté : le FLN entend s'engager désormais seul dans les compétitions électorales et l'idée d'un président de consensus fait partie du passé. Mais au-delà de cette orientation, visiblement stratégique de l'ex-parti unique, dictée sans doute par d'éventuelles ambitions personnelles de son patron, mais aussi par les chamboulements opérés au sein des services de renseignement accusés, jusque-là, d'avoir eu la mainmise sur les décisions du parti mais aussi dans la désignation des présidents, les critiques à l'égard d'Ahmed Ouyahia inclinent à penser qu'on cherche à écarter, dès à présent, un potentiel candidat à la présidentielle. Pis, il est même à se demander si dans le brouillamini actuel autour de la capacité ou non du Président à diriger le pays, comme suggéré par le groupe des "19", l'on ne cherche pas à l'éjecter de son poste de chef de cabinet de la Présidence. Surtout qu'on prête l'ascension du personnage — quand bien même il se définirait comme un parfait commis de l'Etat — au "parrain" qui n'est plus en poste, celui-là même à travers lequel Saâdani s'attaque à Louisa Hanoune, une des signataires de la démarche des "19". Et Saâdani qui ne cache pas sa proximité avec le frère du Président, n'oublie pas aussi qu'Ouyahia avait déclaré qu'un "troisième mandat n'était pas bon pour l'image de l'Algérie". Si l'on ajoute l'ambition de plus en plus difficilement contenue d'Ouyahia, il faudrait s'attendre dans les prochains mois à une véritable guerre de tranchées entre les deux frères ennemis. "Le FLN qui est un allié stratégique (pour le RND) dans le soutien au président de la République et la défense des intérêts du courant nationaliste, a fait part de sa proposition (de créer un front). Ce n'est pas le mode qui nous convient, mais nous laissons le temps aux propositions", disait récemment Ouyahia à propos de l'idée de création d'un front lancé par Saâdani. Il se fera sans doute sans Ouyahia. K. K.