Même si l'échéance est encore lointaine, l'affirmation n'a rien d'anodin. En annonçant, en marge d'une conférence à l'Assemblée populaire nationale (APN) sur la Révolution du 1er Novembre 1954, que le FLN présentera son candidat en 2019, Amar Saâdani vient sans doute de lever un peu plus le voile sur les ambitions de son parti. Non seulement il entend, comme il l'a fait jusque-là, peser de tout son poids dans l'élection qui annonce inexorablement une nouvelle ère avec la succession à Bouteflika par un homme issu de l'après-guerre, mais il suggère aussi qu'à l'inverse des élections passées, le FLN présentera son propre candidat, issu exclusivement de ses rangs. Mais à certains égards, l'annonce semble être destinée aussi à son "frère ennemi", le RND, réfractaire, jusque-là, à rejoindre le large "front national" de soutien au programme du président de la République auquel a appelé Amar Saâdani. D'ailleurs, le SG du FLN fleure une espèce de condescendance lorsqu'il a été interrogé sur un éventuel rejet par le RND de sa proposition. "L'initiative est ouverte à tous et le RND fait partie de dizaines de formations politiques et peut user de son libre arbitre", a répondu Amar Saâdani. C'est à peine s'il ne réduit pas le RND à une association de quartier. On ignore si le responsable du FLN, dans la foulée des restructurations qui s'opèrent au sein du DRS, structure à laquelle on prête, à tort ou à raison, d'avoir été à l'origine de la création de nombre de partis — à l'instar du RND, né d'une fraude industrielle en 1997 —, d'associations et de journaux, cherche à "mépriser son frère ennemi", histoire de lui forcer la main pour le "diluer" dans le front, ou s'il s'agit de sonder les intentions d'Ahmed Ouyahia qui n'a pas encore dévoilé toutes ses cartes, mais dont on soupçonne des ambitions présidentielles. En tout cas, en dépit des apparences, la guerre ne fait que commencer entre les deux partis et, donc, entre les deux hommes. À l'inverse d'Ouyahia qui souhaitait la reconstitution de la défunte alliance présidentielle, Saâdani juge "nécessaire d'impliquer les organisations de la société civile dans cette initiative, eu égard à leur rôle dans l'édification de l'Etat civil". Quelques jours plus tôt, le secrétaire général par intérim du RND soutenait que "le FLN, qui est un allié stratégique (pour le RND) dans le soutien au président de la République et la défense des intérêts du courant nationaliste, a fait part de sa proposition (de créer un front). Ce n'est pas le mode qui nous convient, mais nous laissons le temps aux propositions". Donc, il est à se demander jusqu'où iront ces divergences qu'on s'emploie, de part et d'autre, à dissimuler dans la conjoncture actuelle. Du moins, le temps que la révision de la Constitution soit adoptée. Mais, mieux encore, que fera Ahmed Ouyahia, lui qui s'est toujours présenté comme un parfait commis de l'Etat et pour qui la présidentielle est la "rencontre d'un homme avec son destin" ? Acceptera-t-il de s'effacer au profit d'un candidat du FLN ou se portera-t-il candidat avec l'inévitable bataille qu'il doit livrer à son "frère ennemi" ? Assurément, les prochains mois annoncent de rudes batailles, y compris au sein du sérail. K. K.