Au-delà de la lettre et de son timing, le général Toufik a parlé pour vraisemblablement alerter sur une cabale. En clair, il affirme que douter du patriotisme du général Hassan serait douter de lui-même, puisqu'il dit avoir été informé d'une manière régulière sur le déroulement de la fameuse opération. Le général de corps d'armée à la retraite, Mohamed Mediène, parle mais pas seulement. Il alerte sur une "injustice", puisqu'il s'agit, à ses yeux, de "laver l'honneur" des hommes qui ont servi le pays avec "passion". Et comme il se dit "consterné" par l'annonce du verdict prononcé par le tribunal militaire d'Oran à l'encontre du général Hassan, l'ex-patron du DRS estime qu'il est de son "devoir" de faire connaître ses "appréciations" sur cette affaire. Une affaire, faut-il le relever, qui l'a fait sortir de sa réserve et de son silence légendaire. Au plus fort de ses vingt-cinq ans à la tête du puissant Département du renseignement et de la sécurité, l'homme au cigare n'a jamais jugé opportun de s'exprimer publiquement. Pourtant le pays a traversé des périodes hautement sensibles, et bien des événements pouvaient le faire déroger à la règle et prononcer un mot. Même les attaques quasi simultanées du SG du FLN, Amar Saâdani, contre sa personne et le département dont il avait la charge jusqu'à récemment ne l'ont pas fait réagir. C'est dire que la désormais "historique" lettre de ce vendredi se veut une alerte sur un incident gravissime, voire une cabale contre un haut gradé et plusieurs fois décoré, qui agissait directement sous ses ordres. "Le général Hassan était le chef d'un service érigé par le décret agissant sous l'autorité de mon département. À ce titre, il était chargé d'une mission prioritaire avec des prérogatives lui permettant de mener des opérations en relation avec les objectifs fixés. Les activités de son service étaient suivies régulièrement dans le cadre réglementaire", a-t-il d'abord précisé. Et comme pour mieux appuyer l'hypothèse d'un complot contre son ex-subordonné, le général Toufik engage sa parole et sa responsabilité sur l'opération qui a valu l'accusation d'infraction aux consignes générales, à l'ex-chef du Scorat : "J'affirme qu'il a traité ce dossier dans le respect des normes et en rendant compte aux moments opportuns. Après les résultats probants qui ont sanctionné la première phase de l'opération, je l'ai félicité – lui et ses collaborateurs – et encouragé à exploiter toutes les opportunités offertes par ce succès. Il a géré ce dossier dans les règles, en respectant le code du travail et les spécificités qui exigent un enchaînement opérationnel vivement recommandé dans le cas d'espèce." Le message est on ne peut plus clair. À peine si l'ex-patron du DRS disait que douter de la "loyauté", l'"honnêteté" et le "professionnalisme" du général Hassan serait douter de lui-même. Sa parole et sa responsabilité étant engagées, le général Toufik reconnaît que la condamnation à cinq ans de prison ferme de l'ex-chef de la lutte antiterroriste "peut susciter" des "questionnements légitimes". Allusion faite à la presse, puisqu'il a souligné que les "médias ont traité abondamment cette affaire en faisant preuve de beaucoup d'à-propos, malgré l'absence d'éléments d'appréciation officiels". Mais "au-delà" de ces "questionnements légitimes", le général de corps d'armée à la retraite, Mohamed Mediène, estime qu'il y a d'abord "urgence" à "réparer" ce qui a été qualifié par plusieurs parties de "grave dérive". Une manière de dire qu'il y a, certes, le feu à la maison, mais commençons par évacuer le palier le plus sensible. Une chose est certaine, si le général Toufik a franchi le pas pour s'impliquer publiquement dans cette affaire, c'est qu'il faut s'attendre à une suite... C'est peut être le début de quelque chose. M.M.