Durant l'embellie pétrolière, qui a duré pendant quinze ans, le gouvernement, au nom de la paix sociale et grâce aux finances générée par les hydrocarbures, a généralisé les subventions. Le régime de subventions a été sensiblement accru à partir de 2011, en réponse notamment aux manifestations et aux pressions sociales faisant craindre un "printemps" algérien. Il couvre aujourd'hui une très large gamme de produits et de services : essence, électricité, logement, transports, emploi des jeunes, produits alimentaires... Cette démarche s'est imposée comme une marque de fabrique de l'Etat, au point où sa remise en cause était devenue impensable. Mais c'était compter sans la crise financière que vit actuellement le pays du fait de l'effondrement des prix du pétrole. Le gouvernement semble être au pied du mur. Après avoir un moment fait de la résistance en annonçant que les subventions ne seront pas annulées et qu'il n'y avait pas de retour en arrière en matière de politique de subventions adoptée sur le plan social, le gouvernement s'est plié à l'évidence. Ainsi, pour la première fois, depuis 1999, le gouvernement décide de toucher au système des subventions. Dès 2016, les prix des carburants, de l'électricité et du gaz seront remis "progressivement à leur valeur réelle". De même pour les prix des produits de base comme le lait, le sucre ou l'huile, qui connaîtront des augmentations. Même si, par précaution, les pouvoirs publics parlent de transition qui se fera "étape par étape" et qui s'accompagnera d'un soutien direct "à ceux qui en ont besoin", ces annonces suscitent des inquiétudes et de nombreuses interrogations. Le gouvernement opte pour la subvention ciblée, une option défendue par les experts depuis plusieurs années, mais ne donne aucune précisions sur les critères d'éligibilité aux subventions ciblées. "Sur quelles bases vont-être distribuées ces aides ? Est-ce que ce sera en fonction des salaires et dans ce cas-là quel sera le seuil retenu ? Et quid du fichier national d'identification des plus démunis et des travailleurs du secteur informel ? Aujourd'hui, tous le monde, y compris le citoyen, est d'accord pour revoir le système de subventions. Reste que sa mise en œuvre est difficile. L'administration algérienne n'a pas de statistiques fiables qui permettent un ciblage pertinent des subventions. Le professeur Abdelatif Benachenhou, qui a depuis longtemps plaidé "la fin des subventions pour tous" avait reconnu qu'il était difficile pour le gouvernement de passer du projet à l'acte, en l'absence de données chiffrées sur les revenus réels des ménages algériens.