Le procès de l'affaire Sonatrach I a vu, hier, la première audition après deux jours consacrés aux questions procédurales et à la lecture de l'ordonnance de renvoi. Toute la matinée a été consacrée à la lecture des 30 pages restantes (sur 293, ndlr). Les auditions n'ont commencé qu'en début d'après-midi avec en premier Mohamed Réda Djaâfar Al-Ismaïl, président du conseil d'administration de la holding Contel Algérie, dans laquelle les fils de l'ancien P-DG de Sonatrach, Mohamed Meziane, sont associés et qui a passé cinq contrats avec la compagnie nationale dont deux de gré à gré et trois dans le cadre d'une consultation restreinte, cumulant près de 11 milliards de dinars (137 millions de dollars américains). Devant le tribunal criminel d'Alger, Mohamed Réda Djaâfar Al-Ismaïl a nié toutes les accusations portées à son encontre, versant dans des explications techniques pour montrer que son entreprise a respecté les formes dans sa relation commerciale avec Sonatrach. Il faut dire que le juge Mohamed Regad lui a posé méticuleusement toutes les questions imaginables sur sa carrière de commerçant, le comportement de ses entreprises, leur santé financière, les mécanismes de distribution de dividendes entre associés, le début de sa relation commerciale avec Sonatrach et les conditions dans lesquelles il y a associé les enfants de l'ancien P-DG de Sonatrach. "Ce ne sont que des généralités, nous ne sommes pas encore entrés dans le vif du sujet", prévient-il. Ainsi, ce technicien supérieur en informatique ayant fondé sa première entreprise au milieu des années 1990 pour commercialiser du matériel informatique et prester pour l'installation de réseaux, a indiqué au juge que l'expérience capitalisée durant ces années où elle a eu à décrocher des marchés avec plusieurs banques publiques comme le CPA et la BNA et autres institutions à l'image du ministère de la Défense pour lequel elle a installé, entre autres, le système de télésurveillance de l'hôpital central de l'armée à Aïn Naâdja. De même que les offres techniques et financières de son entreprise constituée en groupement avec une société allemande ont été retenues au bout d'un appel d'offres lancé par le Commandement des forces de défense aérienne du territoire (CFDAT) avant que le marché ne soit annulé. Tout cela pour dire : "Contel Algérie n'est pas venue du néant". Quant à sa relation avec la famille Meziane, Mohamed Réda Djaâfar Al-Ismaïl a précisé que Mohamed Réda, fils aîné de Mohamed Meziane, P-DG de Sonatrach, était son camarade de classe et qu'il l'a sollicité vers la fin 2004 pour lui organiser un rendez-vous avec son père. "Je voulais présenter à Sonatrach les produits de mon partenaire allemand de l'époque (TVI)", a-t-il avoué. Il a été reçu le 28 novembre 2004 au siège de Sonatrach à Hydra avec une équipe d'ingénieurs de son entreprise ainsi que des dirigeants de cette société allemande quinze jours après avoir formulé une demande explicative comme le lui a recommandé son ami, fils de Mohamed Meziane. Et ce, avant d'intégrer la liste des prestataires de services de la compagnie nationale. "Pensez-vous qu'on n'aurait pu ne pas vous recevoir si vous aviez procédé autrement que par le biais du fils du P-DG ?", demande le juge. "Je ne pensais pas que cela m'aurait amené ici", regrette Djaâfar Al-Ismaïl. La colère de Me Bouchachi Jusque-là, Funkwerk Plettac société coaccusée de Contel Algérie dans cette affaire, n'était pas encore entrée en jeu. Et ce n'est qu'après avoir constaté que la sécurisation des sites militaires et des banques diffère de celle des sites pétroliers et que son ancien partenaire ne peut fournir les prestations exigées, que Contel Algérie était entré en contact avec Funkwerk Plettac. "J'ai connu cette société d'abord à travers ses produits parce que j'ai eu à représenter Plettac France auparavant", a-t-il indiqué. Mais, entre-temps, Mohamed Réda Djaâfar Al-Ismaïl a réorganisé son entreprise qui prenait la forme de société à responsabilité limitée (Sarl) en société par actions, ce qui exigeait un nombre plus important d'actionnaires. Les enfants du P-DG de Sonatrach étaient pour lui, en ce sens, les mieux indiqués, d'autant que Mohamed Réda Meziane, fils aîné du P-DG, lui a proposé auparavant de créer une société de transport d'hydrocarbures. "Tous types de tranports", a-t-il insisté. En effet, deux mois après le rendez-vous au siège de Sonatrach, soit le 5 janvier 2005, Bachir Faouzi Meziane a acquis 200 parts dans la société Contel, sans payer le moindre centime. "Mohamed Réda, mon ami, était en France à ce moment-là et il ne pouvait pas prendre des participations dans la société. J'ai admis son frère Bachir Faouzi". "Vous avez donc projeté, à ce moment, de bénéficier de l'influence de leur père !", se demande le juge qui n'a pas admis, lui, le fait qu'il ait accordé gratuitement des parts au fils de Mohamed Meziane. L'avocat de l'accusé Mostefa Bouchachi le coupe et s'énerve : "Laissez-le s'exprimer ! le tribunal criminel juge d'après sa conviction morale et nous vous demandons de lui laisser le temps de terminer ses réponses pour que les membres du jury comprennent ce qu'il veut dire." Imperturbable, le juge réplique : "Nous posons justement des questions pour comprendre. Et puis, c'est la phase finale de l'enquête, vous convenez au moins que les prérogatives du tribunal criminel nous donnent ce droit !". "Mais, à ce rythme vous le déstabilisez ainsi que ceux qui l'écoutent. Moi, qui connais le dossier je n'arrive pas à suivre", interjette Me Bouchachi. "Nous lui accordons trois jours si nécessaire pour dire tout ce qu'il veut", répond le juge. "Nous avons compris, au vu du rythme de lecture de l'ordonnance de renvoi que vous n'êtes pas pressés", conclut Bouchachi. Cet échange a fait perdre le fil à Mohamed Réda Djaâfar Al-Ismaïl et le juge a décidé d'une pause de 20 minutes. À la reprise, le juge a orienté les débats sur les contrats conclus entre Sonatrach et le groupement constitué de Contel Algérie et Funkwerk Plettac. Mais, on s'est contenté de l'énumération des marchés, des dates de signature des contrats ainsi que des signataires au nom de la compagnie nationale avant de lever l'audience. L. H.