Les Algériens qui s'attendaient à une révision révolutionnaire de la Constitution en sont aujourd'hui pour leurs frais. On est loin des "réformes politiques profondes" promises par le président Bouteflika et ressassées à tout bout de champ par Amar Saâdani, lui-même hors du coup, visiblement. Mais parmi les changements à retenir : le nombre de mandats présidentiels. Et encore, il ne s'agit pas, à proprement parler, d'un changement ; mais d'un retour à quelque chose qui a déjà existé dans un passé tout récent. En l'occurrence la Constitution de 1996 du président Liamine Zeroual, qui pour l'histoire, est le premier Président algérien à avoir fait faire à notre pays cette avancée démocratique remarquable en limitant le nombre de mandats présidentiels à deux quinquennats. Que le président Bouteflika décide de revenir aujourd'hui au verrouillage des mandats, cela a, tout au plus, le mérite d'être relevé. Car en revenant à la Constitution du président Liamine Zeroual, car il faut rendre à César ce qui est à César, il se déjuge de fait a posteriori. Ce n'est pas du tout un cadeau qu'il fait aux Algériens. C'est juste un désaveu du "putsch constitutionnel" qu'il avait perpétré en 2008. On se souvient qu'il avait fait alors procéder à une révision de la Constitution en faisant sauter le verrouillage des mandats dans le but d'ouvrir la voie à une présidence à vie. Ce qui explique du reste le fait qu'il soit encore au pouvoir à mi-chemin de son quatrième mandat et pourquoi pas, tant qu'on y est un cinquième, dès lors que la nouvelle Constitution n'a pas d'effet rétroactif. On se souvient que, pour dorer la pilule à l'opinion, le président Bouteflika avait emballé son projet de révision de 2008 dans des clauses de style populiste sur le "rôle politique" de la femme ou encore "la défense des symboles de la nation". Mais tout le monde avait compris le sens de la manœuvre, à commencer par les partis de l'opposition qui avaient alors vigoureusement dénoncé "le viol de la Constitution". Visiblement le chef de l'Etat récidive. Et pour justement prévenir qu'un tel viol ne se reproduise à l'avenir, les auteurs des amendements ont inventé un artifice : l'article 78 selon lequel est exclue désormais toute révision de l'article 74 qui limite les mandats. Cette disposition qui prévient contre des velléités de changement, confirme encore avec plus de force que ce qui avait été fait en 2008 était une transgression de la Constitution avec la complicité du Conseil constitutionnel. En cherchant ainsi à faire barrage à des velléités de réouverture des mandats que pourrait avoir son successeur, le président Bouteflika cherche-t-il à rester dans les annales comme le seul qui aura eu un long règne de 20 ans, soit quatre mandats successifs ? Et en tout état de cause un tel artifice juridique, de l'avis même des experts en droit, n'est pas une garantie d'inviolabilité de l'article 74, quand bien même il serait inscrit dans le marbre. C'est d'abord une question de culture politique et de conviction en l'Etat de droit. Et à ce propos, l'Algérie, comme beaucoup de pays en Afrique, comme la Corée du Nord, comme Cuba, est loin d'en avoir fini avec l'autoritarisme et les "putschs constitutionnels". O. O.