Jusque-là objet de multiples sollicitudes, la diaspora algérienne est désormais devenue indésirable. Que s'est-il passé pour qu'on en vienne à exclure ainsi des millions d'Algériens de la vie politique nationale au prétexte qu'ils possèdent une autre nationalité ? Le nouveau projet de révision constitutionnelle introduit, en effet, une disposition considérée discriminante dans la mesure où les citoyens ne sont plus égaux devant la loi. L'article 51 du texte en question stipule clairement : "La nationalité algérienne exclusive est requise pour l'accès aux hautes responsabilités de l'Etat et aux fonctions politiques." Signifierait-il ainsi qu'il existe différentes catégories de citoyens algériens : les résidents, les non-résidents, les binationaux, voire d'autres ? Les expatriés seraient-ils tous des citoyens de second rang, susceptibles de "vendre" leur patrie d'origine aux intérêts étrangers, notamment ceux de leur pays d'accueil ? Bien sûr, le projet de texte fondamental ne dit pas ouvertement que les binationaux sont des "traîtres" potentiels. Mais c'est tout comme, puisqu'il insinue que les candidats aux hautes fonctions politiques doivent être en contact direct avec la réalité du pays. Jusque-là, le discours officiel se voulait empreint d'ouverture et de confiance à l'égard de nos ressortissants installés à l'étranger. Battu en brèche par l'article 51, ce même discours perd de sa cohérence et révèle même une contradiction majeure dans la démarche du pouvoir qui, le moins qu'on puisse dire, vient d'effectuer une volte-face. Car, il y a seulement quelques mois, on faisait encore miroiter de nombreuses mesures en faveur de notre communauté établie à l'étranger, à l'exemple de l'accès au logement public et au dispositif Ansej, la baisse des prix des billets d'avion, l'accueil au niveau des consulats, etc. Dans un passé récent, l'Etat avait même créé un département ministériel exclusivement dédié à la communauté algérienne établie à l'étranger nonobstant les nombreuses dépenses engagées à cet effet. Cette "bienveillance" semblait, en outre, couler de source dans un contexte géopolitique dit de "mondialisation". Sur ce registre, d'aucuns avancent que jamais le gouvernement algérien n'avait autant connu de binationaux et de détenteurs de titres de séjour en France dans ses rangs que durant l'ère d'Abdelaziz Bouteflika, lui-même revenu en Algérie, faut-il rappeler, à la suite d'un long exil qui aura duré, notons-le, une vingtaine d'années. Ainsi, outre le fait que cette annonce coïncide, par ailleurs, avec le projet controversé du président François Hollande sur la déchéance de la nationalité qui fait débat actuellement en France, un pays qui regroupe, faut-il rappeler, le plus grand contingent d'Algériens d'origine, nos compatriotes auront à subir, sur ce chapitre, une "double peine". Médusée, l'opinion constate aujourd'hui qu'il est loin le temps où le président Bouteflika adressait son salut fraternel à ses "chers compatriotes, où qu'ils soient", les invitant à contribuer grâce à leur savoir-faire, leur expérience et leurs capitaux à l'édification du pays. Certains se souviendront même de ses appels du pied adressés à la communauté juive algérienne à l'effet de renouer avec leur pays d'origine. Enfin, beaucoup verront dans cette "instabilité juridique" une confusion politique qui ne dit pas son nom, alors que d'autres évoquent d'emblée une "manœuvre politicienne" inscrite dans le droit fil de la succession de Bouteflika. Cette dernière assertion ferait valoir que la mouture proposée du projet de Constitution vise à favoriser le candidat du pouvoir, d'ores et déjà, choisi parmi les Algériens du cru. Mohamed-Cherif Lachichi