Abdelhafidh Yaha, dit Si l'Hafidh, a été inhumé, hier, dans son village natal, Thakhlidjth Nath Atsou, commune d'Illilten, en présence d'une foule nombreuse venue rendre un dernier hommage à l'un des derniers héros de la Révolution et une figure du combat démocratique. Il était 10h, et la route menant d'Iferhounène au village d'Aït Atsou, sur 8 km environ, grouillait déjà de véhicules qui arrivaient de plusieurs wilayas. Des gendarmes et des policiers étaient présents tout au long de ce tronçon sinueux. À l'entrée de ce village, de nombreux jeunes revêtus de gilets s'affairaient à canaliser ce flux de véhicules. "Aït Atsou 1,2 km", indiquait un panneau. Pour le reste de ce chemin, des bus sont mis à la disposition des personnes. Dans une grande sérénité à l'image du tempérament de Si l'Hafidh, des groupes de personnes continuaient de se recueillir sur la dépouille placée depuis la veille dans le salon de son domicile. "Si l'Hafidh : la résistance, la patrie et l'abnégation" , "Si l'Hafidh, symbole des résistances et des libertés", lit-on sur deux grandes banderoles accrochées à l'entrée. Si du côté officiel, seul le wali de Tizi Ouzou a effectué le déplacement pour assister aux funérailles, d'anciennes figures de la Révolution, notamment des compagnons de 1963 comme Mohand-Cherif Abdelaoui, Si Lhassen Dahlal, Mohand-Ouïdir Temzi, d'anciennes figures de l'ex-mouvement citoyen de Kabylie telles que Belaïd Abrika, des personnalités politiques, tels Nordine Aït Hamouda, Djamel Zenati, Farid Bouaziz, Hocine Haroun, Bouaziz Aït Chebib et aussi des figures du monde culturel dont Lounis Aït Menguelet, Hacène Hireche et Abdenour Abdeslam ont tenu à l'accompagner à sa dernière demeure. "Si l'Hafidh était de ceux qui estimaient que l'Algérie a gagné la guerre mais pas la Révolution tant les valeurs de la Soummam ont été foulées aux pieds par ceux qui ont confisqué la volonté du peuple à l'indépendance", dira Si L'Hassen Dahlal, un compagnon de Si l'Hafidh qui a souligné que si l'ex-n°2 du FFS a voulu créer le FFD à l'ouverture démocratique, parti jamais agréé, c'était pour militer encore pour la consécration de la nation amazighe et le recouvrement de la souveraineté du peuple algérien. "Si l'âme du FFS a été maintenue en vie avant son retour officiel à l'ouverture démocratique, c'est grâce à Si l'Hafidh que j'ai connu, en 1974 en France, et que j'ai vu activer sans répit", dira à son tour Lounis Aït Menguelet. Et Hacène Hirèche d'enchaîner : "Si l'Hafidh fait partie de ces hommes qui ont donné leur vie pour que vivent libres les Algériens. Il incarnait la dignité et l'engagement." "Depuis l'indépendance, son souci était surtout le sort des enfants des martyrs pour lesquels il n'a jamais cessé de se battre. Aujourd'hui, il a légué à sa famille exactement ce qu'il a légué à tout un chacun de nous : l'honneur et la dignité", dira, pour sa part, Mokrane Aït Larbi qui ajoutera : "Même s'il a été forcé à l'exil, il est resté un homme digne." À 14h, la dépouille de Si l'Hafidh qui, rappelle Belaïd Abrika, s'était engagé corps et âme aux côtés du mouvement citoyen de Kabylie en 2001. Il avait pris part auparavant à la marche pour l'amazighité aux côtés de Matoub Lounès le 25 janvier 1990 à Alger, ajoute Malika Matoub. Si l'Hafidh a été inhumé près de sa demeure où il reposera à côté de ses figuiers et de ses cerisiers. Tout comme Aït Ahmed, il a été enterré dans le village qui l'a vu naître, il y a 83 ans et qui l'a accueilli avec honneur et fierté. Samir LESLOUS