Dans le message du chef de l'Etat, lu ce dimanche par le président du Conseil de la nation devant les deux Chambres du Parlement, à l'issue du vote de la révision constitutionnelle, une annonce inattendue, voire surprenante, a été faite. Il s'agit de l'engagement de Bouteflika à mettre en place une "cellule de suivi" chargée de veiller à la concrétisation "minutieuse et intégrale" des nouvelles dispositions contenues dans la loi portant révision de la Constitution. "J'ai décidé, en ma qualité de garant de la Constitution, de mettre en place (...) une cellule de suivi dont la mission essentielle sera de veiller attentivement, dans les temps impartis et jusqu'à son terme, à la concrétisation minutieuse et intégrale de ces dispositions et de m'en tenir régulièrement informé", a indiqué le chef de l'Etat dans son message. La question du respect de la Constitution et, au-delà, celle de l'application des lois se sont toujours posées avec acuité dans notre pays. Au point que de nombreux acteurs politiques et sociaux se sont abstenus de prendre part aux consultations engagées autour de la révision constitutionnelle qui vient de connaître son aboutissement, considérant qu'il ne servait à rien d'amender la Constitution ou d'initier des réformes législatives, sachant que le "couac" est ailleurs, soit dans l'incapacité intrinsèque des institutions à veiller à l'application des textes. À dire vrai, il y a, à la base de cette décision du président de la République de s'appuyer sur une structure de suivi chargée de veiller à "la concrétisation des nouvelles dispositions constitutionnelles", au moins, un doute quant à l'aptitude des institutions à donner une suite concrète à la "réforme" qu'il vient de parachever. Un doute, à moins que ce ne soit une conviction bien arrêtée quant à ces failles institutionnelles qui, par ailleurs, sont bien réelles et se laissent voir à tous les niveaux de la vie publique. C'est bien à ces failles que l'on doit les tâtonnements et, à l'occasion, de lamentables prestations dont se rendent responsables les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire et c'est à elles que l'on doit aussi l'absence d'une séparation effective entre ces derniers. Ce qui rend problématique l'application des lois. Chose impensable dans un pays où les institutions jouent pleinement leur rôle, un ex-ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur affirmait publiquement que la loi n'était "pas un obstacle". Comprendre : elle peut être biffée d'un trait lorsque le besoin politique s'en ressent. Et ce qui vaut pour une loi vaut évidemment pour la Constitution. Tout se passe donc comme si, après avoir fait ses emplettes, Bouteflika se rendait compte qu'il n'avait ni les bons cuisiniers, ni les ustensiles nécessaires pour préparer la marmite, ni le personnel de service pour mettre le couvert. En définitive, cette décision du chef de l'Etat qui, au demeurant, envisage cette "cellule" dans la durée, équivaut à un aveu : l'Algérie attend toujours la rénovation et la modernisation de ses institutions. À l'inverse d'une trituration de la Constitution, celle-ci passe par... une vraie réforme politique. Saïd Chekri