Maître de conférences à l'Université de Jijel, chercheur et consultant au Programme hydrologique international (PHI) de l'Unesco, à Paris, Farès Kessasra, organise à l'université de Jijel le Think Tank "Les Lundis de l'environnement"(LDE). Un rendez-vous régulier sous le slogan du « débat vert ». Ancien élève de l'USTHB et l'UPMC-Paris VI, le docteur traite, avec ses étudiants, et une pléiade de chercheurs, différents sujet d'une manière profonde. Liberte-algerie.com a pris attache avec lui pour en savoir plus sur le sort de l'environnement en Algérie. Liberte-algerie.com: Vous êtes à votre troisième année consécutive d'organisation des LDE. Quelles sont, généralement, les thématiques traitées ?
Dr Farès Kessasra: Je décide de la thématique de la journée en fonction de l'actualité. En trois ans d'existence, nous avons parcouru plusieurs domaines qui touchent à notre environnement et notre cadre de vie. Des journées spéciales ont été organisées telles que la journée "santé et conso" en 2013, "mers et océans", "poussières industrielles dans nos villes", "faune et flore en péril", "zones humides", "crise de l'eau face aux défis actuel", "les énergies renouvelables" et puis "le réchauffement climatique". Le mercredi 10 février, nous avons décortiqué et vulgarisé les différents perturbateurs environnementaux (pas seulement endocriniens) tels que les pesticides, les antibiotiques, les ondes électromagnétiques et les fines poussières. L'auditorium de la fac centrale de Jijel était à 23 plein. Et au vu du public qui était présent, outre les étudiants des doctorats, master et licence et les collègues professeurs des différents labos et départements de la fac, j'ai tenu à inviter des spécialistes praticiens (vétérinaires, médecins, pharmaciens et biochimistes), des associations (protection des consommateurs) et des clubs culturels et sportifs (les zinzins de la lecture, club des gens de la mer, artiste-peintre). Le concept est d'associer l'apprentissage et la vulgarisation scientifique à l'acte culturel dont ses expressions les plus variés. D'ailleurs des stands leur ont été mis à disposition pour inciter le public à passer à l'acte de la peinture (expo de toiles de Hachemi Arada), de la plongée et la randonnée sous-marine (club des gens de la mer avec leur matos). Donc vous comprendrez que le public est large et va du professeur spécialisé au citoyen lambda, car le think tank LDE se nourrit de toutes les visions, toutes les idées et toutes les expériences. Pour le prochain numéro, en mars 2016, il sera consacré à la santé mentale. Nous aborderons le sujet de notre santé psychique et les pressions socio-professionnelles qui conduisent certains au burn-out total. J'inviterai outre des sociologues et psychologues de travail, des psychologues cliniciens, un médecin de travail et un chef d'entreprise. Qu'en est-il du nom du think tank, LDE ... En 2012, l'année de sa création, j'avais cours de 3h en environnement, les lundis après midi avec mes étudiants de Master 2, d'où le nom des Lundis de l'environnement. Chaque année, mon emploi du temps à la fac change et donc en fonction de mes disponibilités, j'essaierai à chaque fois d'organiser un LDE au jour de semaine où je ne donne pas de conférences et cours. Ça pourrait être mercredi comme celui organisé la semaine passée, ou alors dimanche, ou mardi. Sinon, étant spécialiste entre autres, en pollutions des eaux d'origine agricole, pensez-vous que l'Algérie est touchée par le phénomène des OGM ? Contrairement aux idées reçues, l'Algérie est un pays conscient des enjeux et risques des OGM. L'arsenal juridique permet de protéger notre biodiversité qui est un capital indéniable. Néanmoins, bien que les OGM ne soient pas autorisés directement, des produits dérivés peuvent se retrouver dans nos assiettes. Les produits manufacturés à base de farine, blé et céréales modifiés génétiquement et importés de pays étrangers qui autorisent leur usage et consommation représente un risque latent. Certains industriels étrangers jouent avec les indications et l'origine des produits, ce sont des actes véreux qui n'épargnent aucun marché au monde. Donc, plus de vigilance s'impose, et j'incite particulièrement à adopter une consommation locale pour diverses raisons. Nos produits algériens sont garantis 0 OGM, le bilan carbone est minime et puis cela permet booster la production local et permet de créer de l'emploi. Par contre, je ne dirai pas que les produits locaux sont exempts de perturbateurs endocriniens (pesticides) mais la formation des agriculteurs et leur sensibilisation des risques encourus, car au fait, ce sont les premiers usagers exposés à des taux de toxicité parfois élevés, viennent ensuite les consommateurs et surtout les sujets sensibles (bébé en bas âges, femmes enceintes et personnes âgées). Et est-ce que cette crise économique va nous pousser à avoir recours aux OGM, et délaisser l'agriculture familiale ? Je n'ai pas les moyens d'imaginer des faits futurs mais ce que je peux dire que la crise actuelle est en train de nous pousser à réfléchir réellement sur des économies qu'on devrait appliquer en urgence. Une loi anti-gaspillage pourrait renforcer juridiquement la lutte, la culture d'économie des ressources naturelles (eau, nourriture, carburant) devrait rentrer dans les manuels scolaires et les sorties pédagogiques des écoliers et étudiants, la consommation des produits saisonniers et locaux à travers des campagnes de sensibilisation et de pub, et puis m'étant spécialistes de l'eau, je suis ouvertement favorable à l'augmentation du prix du mètre cube d'eau AEP, d'après les derniers chiffres révélées par l'ADE. Si l'on revient aux OGM, d'une manière générales les coûts économisées sur les prix d'achat et de revente ne seront pas de tout bénéfique, car des surcoûts d'hospitalisation et de prise en charge des malades issus des différentes pathologies et syndromes incriminés par les scientifiques spécialisées dans les OGM et autres perturbateurs apparaîtront et cela creusera encore le budget de la santé. Donc l'équation économie-alimentation-santé n'est pas tout à fait résolue avec des OGM moins chers pour faire face à la crise. Imène AMOKRANE @ImeneAmokrane