Le dispositif mis en place par les autorités financières pour la bancarisation de l'argent du secteur informel n'est ni suffisamment incitatif pour convaincre les détenteurs de cet argent ni suffisamment coercitif pour les contraindre à se conformer à la réglementation. À peine 250 détenteurs d'argent liquide ont répondu à l'appel amnistiant du gouvernement pour bancariser leurs avoirs. Cette statistique, fournie hier sur le plateau de la Chaîne III de la Radio algérienne par le directeur général des impôts, Abderrahmane Raouya, fait froid dans le dos. M. Raouya a évité d'indiquer le montant des dépôts effectués jusqu'ici. Il ne saurait, en tout cas, soutenir l'optimisme qu'affiche le ministre des Finances à chaque fois qu'il est appelé à s'exprimer sur l'opération, annonçant des "chiffres encourageants", mais sans jamais préciser les montants bancarisés. En effet, au titre de la loi de finances complémentaires pour 2015, le gouvernement a instauré "un programme de conformité fiscale volontaire" qui permet aux acteurs économiques du secteur informel de déclarer leurs avoirs cachés. Cette amnistie fiscale décrétée par l'Etat au profit de ces "entrepreneurs" désireux d'intégrer l'économie formelle, moyennant le paiement d'une taxe forfaitaire libératoire (7% sur le chiffre d'affaires déclaré au moment de l'identification), c'est-à-dire une taxe simple et non rétroactive qui va éviter à ces entrepreneurs les pénalités et les redressements conséquents à d'éventuelles découvertes de leurs activités par les administrations compétentes, se fixe pour date limite le 31 décembre 2016. Elle vise à faire entrer dans le circuit officiel les sommes thésaurisées par ces entrepreneurs, ainsi que de bancariser leurs transactions qui échappent jusque-là au fisc. Or, si le gouvernement a tracé un objectif réaliste, 1 000 milliards de dinars au bout de 18 mois, soit le quart des sommes supposées constituer le volume de l'argent thésaurisé et circulant dans la sphère informelle de l'économie (3 700 milliards de dinars), les officiels évitent de communiquer des bilans chiffrés, sept mois après l'entrée en vigueur du dispositif, qui semble être un fiasco. Et pour cause. Le dispositif mis en place pour drainer ces fonds n'est ni suffisamment incitatif ni assez coercitif. C'est qu'au bout du délai du 31 décembre 2016, ceux éligibles à ce programme de régularisation et n'y ayant pas souscrit pour légaliser leur argent seront redressés dans les conditions de droit commun applicables en la matière. C'est-à-dire dans des conditions qui ne sont pas assez contraignantes. Et pour preuve, le marché informel a proliféré dans ces mêmes conditions de droit commun applicables en la matière, favorisant la thésaurisation de l'argent et sa circulation en dehors des circuits officiels. Par ailleurs, le nouveau dispositif n'accompagne pas une véritable réforme du système bancaire avantageant les entrepreneurs. Tel qu'il fonctionne, le système bancaire algérien ne permet pas aux opérateurs de disposer librement de leurs liquidités lesquelles, par ailleurs, ne sont pas correctement rémunérées. Quant à contacter un crédit pour financer ses projets, c'est un chemin truffé d'écueils bureaucratiques qui décourage les plus téméraires. À moins d'être pistonné. C'est qu'il ne suffit pas d'amnistier des fraudeurs qui s'accommodent avec le confort que leur procure l'évasion fiscale. Mais il faut les intéresser à emprunter les circuits officiels à défaut de pouvoir les contraindre à se conformer au régime fiscal. Lyas Hallas