En déclarant hier le mouvement chiite libanais Hezbollah de Hassan Nasrallah organisation "terroriste", les six monarchies du Conseil de coopération du Golfe (CCG) veulent accentuer l'instabilité dans laquelle est plongé le Liban depuis trois ans. Agissant progressivement contre le Hezbollah, qu'ils considèrent comme un allié majeur du régime syrien de Bachar al-Assad, les monarchies du Golfe ont clairement affiché leur hostilité au mouvement chiite de Hassan Nasrallah, en le décrétant hier "organisation terroriste". Ils ont fini par emboîter le pas à Israël, aux Etats-Unis, au Canada et à l'Australie, qui considèrent ce mouvement comme une organisation "terroriste", alors que l'Union Européenne se limite à classer sa branche armée comme telle. Cette décision est un pas supplémentaire dans une stratégie bien élaborée par Riyad pour obliger le gouvernement libanais à influer sur une éventuelle décision du Hezbollah à se retirer de Syrie. Cela a commencé avec l'annonce par l'Arabie Saoudite, le 19 février dernier, de l'interruption de l'aide de trois milliards de dollars US, accordés annuellement à l'armée libanaise, outre l'annulation pure et simple d'un montant d'un milliard de dollars US d'une opération précédente. Deux jours plus tard, ce fut au tour du ministre libanais de la Justice, de confession sunnite, connu pour son hostilité au Hezbollah, Achraf Rifi, d'annoncer sa démission en la justifiant par des accusations contre le parti chiite de mainmise sur les décisions du gouvernement. La troisième étape du plan du CCG a été l'appel des monarchies du Golfe à leurs ressortissants de quitter le Liban. Mais, cette décision de déclarer le Hezbollah "organisation terroriste" par les Etats sunnites membres du CCG, peut avoir des conséquences désastreuses sur le Liban, plongé dans une grave crise économique, et toujours sans président depuis la fin du mandat de Michel Sleimane le 25 mai 2014. Ce pays, perpétuellement en crise, risque ne pas se relever de ce nouveau coup dur. L'on se rappelle encore des difficultés éprouvées par le diplomate algérien, Lakhdar Brahimi, en 1989 pour rassembler toutes les parties libanaises autour du plan onusien qui a mis fin à une guerre civile qui a duré plusieurs années. Oubliant tout cela, les monarchies du Golfe justifient officiellement leur décision par "la poursuite des actions hostiles des milices (du Hezbollah), qui recrutent les jeunes (du Golfe) pour perpétuer des actes terroristes", prennent leur revanche contre le Hezbollah, qu'elles accusent de servir de tête de pont pour l'Iran chiite et de s'ingérer dans les affaires des pays arabes. La veille, Sayed Hassan Nasrallah expliquait sur la chaîne al-Manar que "la campagne d'intimidation menée contre le Liban et orchestrée par Riyad vise à faire taire le Hezbollah qui a osé hausser la voix contre l'Arabie Saoudite juste après le déclenchement de sa guerre contre le Yémen". "Le problème pour l'Arabie Saoudite, c'est le Hezbollah, disons les choses clairement. Et nous acceptons d'assumer la responsabilité que cette situation implique", avait-il asséné, avant d'ajouter : "Il faut être courageux dans ce monde où tout est acheté par l'argent : les médias, les fatwas, même des pays comme la France et la Grande-Bretagne. L'Arabie Saoudite commet des crimes au Yémen, en Syrie et à Bahreïn depuis dix ans, depuis cent ans, depuis que ce régime a pris le pouvoir ». Merzak Tigrine