Cette montée au créneau traduit-elle une réelle montée en puissance de la menace au niveau des frontières, ou serait-ce un jeu politicien dont le but serait la quête d'une trêve de la part du pouvoir ? La situation sécuritaire au niveau de la frontière Est du pays est, depuis la chute du dictateur Kadhafi, une source de préoccupation permanente pour les autorités algériennes. Mais grâce au déploiement des moyens militaires et logistiques impressionnants dans la région, la menace est, jusque-là, endiguée, plutôt bien que mal. Les tentatives d'infiltration des groupes terroristes en provenance de Libye ont pu être déjouées par les unités de l'armée qui ont pu faire preuve d'anticipation et de réactivité. Mise à part l'affaire de Tiguentourine, qui aura mis, au moins, au grand jour des failles dans les services de renseignements, alibi sur lequel le président Bouteflika s'est d'ailleurs appuyé pour y faire le grand ménage. Puis, cette affaire de Guemar qui a vu l'élimination de trois terroristes, jeudi dernier. Mais le plus grave, c'est l'arsenal récupéré. Dans le lot, des Stringers ! Un moyen de défense ultrasophistiqué capable d'abattre un aéronef à 4 500 mètres d'altitude, selon des spécialistes. Cette nouvelle tentative d'infiltration terroriste, heureusement mise en échec jeudi, marque-t-elle une escalade dans la menace terroriste dans la région ? Vraisemblablement, si l'on se fonde sur les dernières déclarations politiques. Vendredi, le ministre de l'Intérieur, qu'on a très peu entendu parler sécurité des frontières, a fait une brusque intrusion dans le débat, alors qu'il était en réunion avec le syndicat des commerçants. Embrayant sur l'attentat terroriste perpétré dans la ville tunisienne de Ben Guerdane, Noureddine Bedoui a souligné l'existence d'une "coordination sécuritaire permanente" entre l'Algérie et la Tunisie en matière de lutte contre le terrorisme. Mais le propos du ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales a pris une autre tonalité lorsqu'il admet que l'Algérie qui traverse une conjoncture économique et financière "précaire" connaît, par ailleurs, une situation sécuritaire "exceptionnelle" car entourée de "dangers" le long de ses frontières. Dans la foulée, il a profité pour appeler tout un chacun à faire montre de vigilance et à accompagner les institutions sécuritaires, à leur tête l'Armée nationale populaire (ANP), pour la préservation de la stabilité. La menace ainsi pointée par Noureddine Bedoui est relayée par Gaïd Salah, lors de son déplacement dimanche à la IVe Région militaire. Son discours devant les cadres de l'armée a accentué un peu plus le trait de cette menace sécuritaire au point de résonner presque comme une alerte maximum. En appelant à davantage de vigilance, en écho au propos du ministre de l'Intérieur, le chef d'état-major de l'Armée fait référence à l'"aggravation inédite" de la situation sécuritaire dans la région. Gaïd Salah a enfoncé le clou en prédisant que "les troubles sécuritaires prévalant dans la région augurent d'issues défavorables sur sa sécurité et sa stabilité, ce qui exige des éléments de l'ANP plus de vigilance". Pour un peu, on croirait que l'Algérie est face à une agression imminente, au niveau des frontières. D'ailleurs, en s'adressant aux soldats, en convoquant les hauts faits d'armes des maquisards de l'ANP contre le colonialisme français, on a l'impression que c'est un chef de guerre en tenue de combat qui cherche à galvaniser le moral de ses troupes à la veille de faire le coup de feu. "En accomplissant son devoir sacré, l'Armée nationale populaire, digne héritière de l'Armée de libération nationale, est pleinement consciente de l'impératif d'être prête, à l'instar de ses aïeux, à tracer d'illustres épopées et consentir de grandioses sacrifices au service de sa patrie, avec une ferme détermination et une indéfectible volonté", martèlera-t-il sur un ton martial. Il va de soi que la menace terroriste n'est pas une vue de l'esprit, elle est bien réelle. N'est-elle pas pour autant un peu surjouée ? Car le fait de voir deux ministres, et pas des moindres, se relayer en l'espace de 48 heures pour pilonner sur la menace sécuritaire, il y a comme un parfum de surenchère. L'objectif étant, assurément, de suggérer une trêve politique qui s'adresse aux partis politiques, syndicats, citoyens. Il leur est demandé sur le mode subliminal de surseoir à leurs légitimes revendications pour faire front contre l'ennemi extérieur. O. O.