Désormais, la balle est dans le camp du Parlement reconnu de Tobrouk, appelé à emboîter le pas aux autorités non reconnues de Tripoli, qui ont cédé le pouvoir au gouvernement d'union nationale, fort d'une reconnaissance internationale et d'un soutien interne de plus en plus important. Une semaine après son arrivée à Tripoli, le gouvernement d'union nationale libyen consolide progressivement son autorité, déjà renforcée par de nombreux soutiens internes, notamment ceux ayant émané de la société nationale de pétrole (NOC) et la Banque centrale libyenne (BCL). L'effacement à son profit des autorités non reconnues basées à Tripoli constitue une étape importante vers une sortie de crise dans ce pays, parce qu'elle accule davantage le Parlement de Tobrouk, qui bénéficiait jusque-là d'une reconnaissance internationale. Cédant aux fortes pressions internationales notamment de l'ONU, les autorités parallèles de Tripoli ont fini par céder le pouvoir mardi soir au gouvernement d'union dirigé par Fayez As-Assaraj. "Nous vous informons que nous cessons d'exercer nos fonctions exécutives, présidentielles et ministérielles", a annoncé le gouvernement de Khalifa Ghweil, en justifiant dans un communiqué publié sur le site de son ministère de la Justice, sa décision par "les développements politiques à Tripoli", et par la volonté de "mettre fin à l'effusion de sang et éviter la partition" du pays. Khalifa Ghweil fait partie des personnalités libyennes sanctionnées récemment par l'Union européenne, avec les présidents des Parlements de Tripoli et de Tobrouk, respectivement Nouri Abou Sahmein et Aqila Saeh. Profitant de ce désistement, le gouvernement d'As-Sarraj a rapidement ordonné à toutes les institutions libyennes officielles d'utiliser dorénavant son logo et d'appliquer ses instructions en matière de gestion. Il a ainsi instruit la BCL de "geler" tous les comptes appartenant à des ministères et à des institutions publiques que ce soit celles de l'est du pays ou de Tripoli. Ces derniers devront obtenir le feu vert du gouvernement d'union pour leurs dépenses. Les salaires des fonctionnaires continueront toutefois à être payés normalement. Désormais, la pression sera sur les épaules des responsables du Parlement de Tobrouk, dont les nombreux subterfuges pour retarder l'entrée en fonction du gouvernement de Fayez As-Sarraj ont fini par faire réagir la communauté internationale, qui a imposé des sanctions contre trois personnalités libyennes accusés de bloquer la mise en œuvre de l'accord de Skhirat. Reste cependant le cas du général Khalifa Haftar, le commandant de l'armée régulière libyenne, lequel a averti qu'il ne restera pas les bras croisés au cas où le processus politique actuel mènerait le pays vers un désastre. Il a toutefois affirmé qu'il n'est pas question de créer un conseil militaire et qu'il soutiendra tout gouvernement d'union bénéficiant de la confiance du Parlement. Il n'en demeure pas moins que la Libye dispose encore de deux "gouvernements", en attendant que le gouvernement d'union nationale obtienne la confiance du Parlement de Tobrouk. Celui-ci a été exhorté par l'émissaire de l'ONU, Martin Kobler, de voter immédiatement la confiance au gouvernement de Fayez As-Sarraj. Il y a urgence, car la communauté internationale attend d'avoir un interlocuteur reconnu pour aider militairement la Libye à faire face à la menace représentée par l'Etat islamique, dont la présence dans ce pays constitue une sérieuse menace pour toute la région. Merzak Tigrine