Les tensions en cours entre Alger et Paris, nées du traitement médiatique réservé par l'Hexagone à l'"implication" de l'entourage d'Abdelaziz Bouteflika dans l'affaire Panama Papers, renseignent sur la nature pas très saine des relations algéro-françaises. Le code a l'air tout simple : il y a de l'argent, venez en prendre, mais vous fermez les yeux sur le reste, sinon, au mieux, applaudissez la démarche du pouvoir. La preuve est qu'en octobre 2015, le ministre de l'Industrie et des Mines, Abdeslam Bouchouareb, avait annoncé, en France, devant le Medef International, que le projet d'implantation de l'usine Peugeot-Citroën en Algérie "est presque finalisé" et qu'"il reste un ou deux petits points à régler". Abdeslam Bouchouareb, considéré dans les médias français comme "le pivot incontournable des hommes d'affaires français en Algérie", avait même donné des garanties ce jour-là. "Je peux vous assurer que nous serons en situation de signer le pacte d'actionnaires lors de la réunion du Comité intergouvernemental de haut niveau, coprésidée par les Premiers ministres des deux pays", avait-il indiqué selon une dépêche APS. Mais en ce temps-là, la visite de François Hollande en Algérie était encore de fraîche date, et la "grande alacrité", qu'il avait attribuée à un Abdelaziz Bouteflika dont la capacité de gouvernance était largement remise en cause par l'opposition, marquait encore les esprits. Ce dimanche, soit six mois plus tard, Abdeslam Bouchouareb annonçait, visiblement à contre-cœur, devant son Premier ministre, Abdelmalek Sellal, et en présence du Premier ministre français, Manuel Valls, à l'ouverture du 3e Forum algéro-français, le report de signature du projet de l'implantation de l'usine SPA Peugeot-Citroën en Algérie. L'argument : le projet serait toujours en cours de maturation au ministère de l'Industrie et des Mines algérien. Il fallait donc trouver un argument plus ou moins technique pour un report aux allures strictement politiques. Les raisons sont facilement devinables puisque les autorités algériennes venaient de protester auprès des officiels français sur une campagne médiatique "haineuse" de la presse de l'Hexagone contre l'Algérie et son président Abdelaziz Bouteflika. Et ce n'est certainement pas un hasard si la veille de la réunion intergouvernementale, jour de repos de l'administration algérienne, le concurrent automobile allemand a été invité à signer l'accord d'implantation de l'usine Volkswagen à l'ouest du pays, à Relizane. Un projet pourtant plusieurs fois remis en cause par le ministre de l'Industrie et des Mines lui-même. Ironie du sort, c'est Abdeslam Bouchouareb qui annonçait, ce dimanche, ce retournement de situation, sous le regard sévère d'Abdelmalek Sellal, au moment où il feignait d'oublier de préciser les projets dont la signature est remise à une date ultérieure. Le ministre de l'Industrie et des Mines, cité dans les révélations Panama Papers, est principalement celui qui a donné l'argument à la presse française, notamment le quotidien Le Monde, d'illustrer un article sur l'implication de l'entourage du Président dans le scandale d'évasion fiscale, par l'image d'Abdelaziz Bouteflika. Abdeslam Bouchouareb qui a tant vanté le projet Peugeot-Citroën au gouvernement et à l'opinion publique algérienne, au détriment du projet Volkswagen, payait peut-être, ce dimanche, le prix d'avoir attiré la foudre sur le pays. Mehdi Mehenni