L'image de Bouteflika, twittée par le Premier ministre français Manuel Valls dès son retour d'Alger où il a séjourné samedi et dimanche, est parlante. Le chef de l'Etat, et cela d'aucuns l'ont noté, ne paraît pas disposer de toutes ses capacités à assumer ses charges et fonctions. Cette image d'un Président physiquement diminué a grandement interpellé les citoyens qui, sur les réseaux sociaux, s'en sont hautement indignés. Elle interpelle aussi les institutions de la République, le Conseil constitutionnel, en premier chef, qui sont constitutionnellement chargés de veiller à ce que les charges présidentielles soient pleinement exercées. La Constitution fraîchement amendée stipule en effet dans son article 102 que "lorsque le président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l'impossibilité totale d'exercer ses fonctions, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit, et après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous les moyens appropriés, propose, à l'unanimité, au Parlement de déclarer l'état d'empêchement. Le Parlement siégeant en chambres réunies déclare l'état d'empêchement du président de la République, à la majorité des 2/3 de ses membres et charge de l'intérim du chef de l'Etat, pour une période maximale de 45 jours, le président du Conseil de la nation, qui exerce ses prérogatives dans le respect des dispositions de l'article 104 de la Constitution (...)". Il se trouve, en effet, après la diffusion des images en question, que l'institution présidée par Mourad Medelci est mise en devoir de se mêler de ce qui la regarde vraiment, en l'espèce la vérification du bon fonctionnement de la haute institution qu'est la présidence de la République. Car, cette fois-ci, il ne s'agit pas pour elle de faire écho à une demande de l'opposition, laquelle pourrait, dans l'absolu, procéder de la surenchère politicienne, mais de réagir à une image troublante et très expressive quant à l'état de santé visiblement dégradé du chef de l'Etat. L'état physique dans lequel est apparu le président Bouteflika repose, plus que jamais, la problématique de l'empêchement réclamé depuis 2013 déjà par l'opposition politique. Une réclamation confortée, il faut le dire, par la sortie plus tard du groupe dit des "dix-neuf" qui a publiquement douté des capacités de Bouteflika à gouverner. Un Bouteflika qui, de surcroît, ne s'est pas directement adressé à son peuple depuis 2012 et qui n'est pas présent à son bureau au siège de la présidence de la République depuis près de trois ans. Les rares fois où il s'est rendu à El-Mouradia, c'est lorsqu'il a eu à présider les rares Conseils des ministres. Pour combler ce déficit en discours et en activités physiques du chef de l'Etat, une stratégie de communication a été pensée et mise en application. Elle a consisté en la systématisation d'audiences aux hôtes étrangers et la diffusion des clichés pris à l'occasion. Or, une telle stratégie ne pouvait qu'être porteuse de risques, le plus grand étant celui de devoir agir de la sorte, parce que l'opinion y est habituée, alors que le chef de l'Etat n'est pas au mieux de sa forme. C'est arrivé avec Manuel Valls. L'audience ne pouvait être zappée, puisque des personnalités de moindre rang, des maires notamment, y ont eu droit. La zapper aurait immanquablement relancé les supputations sur la santé de Bouteflika. Ce qui ne serait pas moins embarrassant pour le pouvoir. S. A. I.