Près de six semaines après l'hospitalisation du président de la République, les Algériens restent privés d'informations fiables sur l'évolution de son état de santé. Le CC, à qui échoit la prérogative de vérifier la capacité ou non du chef de l'Etat à poursuivre sa mission, ne s'autosaisit toujours pas malgré les appels de la classe politique. Le plan de banalisation de la maladie, visiblement «grave et durable», selon la formule constitutionnelle, du chef de l'Etat, est en train de prendre forme. Ceux qui sont chargés de la communication officielle et officieuse arrivent petit à petit à faire admettre à l'opinion publique que le pays peut fonctionner sans lui, alors qu'il est réellement à l'arrêt. 42 jours après son admission à l'hôpital militaire parisien du Val-de-Grâce, le président Bouteflika y est toujours. Et personne n'est en mesure de dire quand il sera de retour ni dans quel état de santé il est. Seulement, son absence est si longue et éprouvée que sa maladie ne peut pas être un simple rhume. Le mal qui l'a atteint l'empêche d'accomplir ses fonctions présidentielles. Ce que certains ne veulent pas admettre. La vie institutionnelle est totalement bloquée. Mais s'il y a une institution qui est au centre de la tourmente politique algérienne, c'est bien le Conseil constitutionnel. Beaucoup de voix s'élèvent ces derniers temps pour réclamer carrément de déclarer le Président est incapable de gérer les affaires de l'Etat. Ils demandent l'application de l'article 88 de la Constitution qui stipule que lorsque le «président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l'impossibilité totale d'exercer ses fonctions, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit et après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous moyens appropriés, propose, à l'unanimité, au Parlement de déclarer l'état d'empêchement». La disposition constitutionnelle est très claire à ce sujet. Qu'est-ce qui entraverait aujourd'hui le Conseil constitutionnel d'enclencher la procédure d'empêchement ? La loi est d'une telle limpidité que l'institution en question n'a pas besoin de jurisprudence pour intervenir en s'appuyant sur les compétences auxquelles l'autorise la Loi fondamentale en vigueur. Selon Smaïl Saïdani, membre de la commission de rédaction de la Constitution de 1996, qui a publié une tribune dans la presse, «le titulaire de la fonction présidentielle a renoncé depuis déjà quarante jours à tous les actes officiels et habituels liés à sa fonction». «Si au début on voulait bien croire à un malaise passager, ce que les officiels n'ont cessé de dire, faire admettre, après près de deux mois d'absence injustifiée auprès des électeurs et c'est leur droit, cela constitue ni plus ni moins qu'une vacance en bonne et due forme de la fonction», ajoute-t-il. Il conclut : «La procédure est donc claire. Après une absence prolongée qui approche les deux mois, il appartient au Conseil constitutionnel de s'autosaisir et de constater l'empêchement.» Pour Me Mokrane Aït Larbi, la situation peut rester comme ça des semaines. Selon lui, il n'y a rien sur le plan constitutionnel qui pourrait provoquer la mise en branle de la procédure de l'empêchement. «Est-ce que le Président est dans l'incapacité de gérer les affaires courantes du pays ? Personne ne le sait», indique l'avocat et militant des droits de l'homme. Selon lui, «il n'y a pas délai». L'incapacité, explique-t-il, est prononcée 45 jours après le constat. Si après cette période durant laquelle le président du Sénat assure l'intérim, le chef de l'Etat ne reprend pas ses fonctions, précise l'avocat, des élections anticipées seront organisées dans 60 jours. D'après lui, actuellement, «rien n'empêche ni oblige le Conseil constitutionnel de s'autosaisir». En somme, les institutions du pays semblent bien verrouillées pour empêcher une telle évolution politique qui projettera l'Algérie, à court terme, dans l'après-Bouteflika. Une telle situation a l'air d'accommoder les autorités qui, visiblement, ne sont pas pressées d'aller rapidement vers l'élection présidentielle anticipée, une phase où le Conseil constitutionnel présidé par l'ancien ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, est appelé à jouer un rôle décisif.
Les membres du conseil constitutionnel
Tayeb BELAIZ (Président) Mars 2012 Président de la République hanifa BENCHABANE (Membre) Avril 2011 Président de la République Abdeldjalil BELALA (Membre) Mars 2012 Président de la République Badreddine SALEM (Membre) Novembre 2007 Au titre du Conseil de la Nation Hocine DAOUD (Membre) Avril 2011 Au titre du Conseil de la Nation Mohamed ABBOU (Membre) Novembre 2007 Au titre de l'Assemblée populaire nationale Mohamed DIF (Membre) Avril 2011 Au titre de l'Assemblée populaire nationale El-Hachemi ADDALA (Membre) Novembre 2007 Au titre de la Cour suprême Faouzya BENGUELLA (Membre) Mars 2012 Au titre du Conseil d'Etat