L'Algérie a surtout besoin d'expertise. C'est l'un des contenus essentiels du partenariat attendu des entrepreneurs français. “Le gouvernement a décidé d'ouvrir le capital de trois banques publiques, le CPA, la BNA et la BDL”, a encore affirmé hier le ministre des Finances lors des “rencontres franco-algériennes des chefs d'entreprise”, coorganisées par le Medef international et le Forum des chefs d'entreprise à l'hôtel Sofitel (Alger). Benachenhou soutient que le gouvernement "est arrivé à la conclusion que le marché bancaire n'est pas concurrentiel”. Selon lui, les banques publiques dominent 90% du marché en collecte comme en distribution des crédits. Le ministre des Finances précise tout de même que “les modalités doivent être examinées dans le détail”. En matière de privatisation, le sentiment de Benachenhou est que des avancées ont été enregistrées dans les petites privatisations ; en d'autres termes, la vente de petites entreprises dans les domaines des matériaux de construction, de l'agroalimentaire et du transport. Benachenhou évoque 117 opérations de privatisation qui vont rapporter au Trésor 18 milliards de dinars. “Ce n'est pas assez” pour le grand argentier du pays. Car, dit-il, “les entreprises publiques coûtent cher au Trésor public”. Pour rappel, le délégué à la Participation et à la Promotion de l'investissement, qui assure le secrétariat du Conseil des participations de l'Etat, a avancé, il y a deux jours, au forum d'El Moudjahid, le chiffre de 111 opérations de privatisation. Pour les grandes privatisations, celles concernant les grands ensembles industriels, le ministre des Finances parle de retard. Le grand argentier du pays pointe un doigt accusateur vers “les tenants du statu quo”, sans préciser leur identité. “Les partisans du statu quo sont plus nombreux”, précise-t-il. Benachenhou trouve certaines inquiétudes légitimes, d'autres, liées à la défense des intérêts, le sont moins. “On finira bien par convaincre les uns et les autres que les choses doivent bouger”, souligne le grand argentier du pays. Pour atténuer ses propos, Benachenhou affirme que “même en France, les tenants du statu quo existent”. L'autre raison qui explique, aux yeux du ministre, les retards pris dans les grandes privatisations, c'est l'aspect social. Sur ce point, Abdelatif Benachenhou souligne que l'Algérie dispose suffisamment de moyens financiers de prise en charge des plans sociaux. “Il faut transformer ces moyens en volonté”, suggère-t-il. Le ministre des Finances affirme qu'en 2001, l'Algérie épargnait pour 21,8 milliards de dollars, en 2004 elle a épargné 41 milliards de dollars. “Nous sommes dans une situation financière où toute l'ingéniosité du partenaire du développement consiste à transformer cette épargne en investissement”, explique-t-il. Pour Benachenhou, “l'ouverture économique se confirme de plus en plus”. Il cite la remise “sur chantier, avec succès cette fois, de l'avant-projet de loi sur les hydrocarbures grâce à la ténacité du ministre de l'Energie”. Ce sont 43% de la richesse nationale, insiste-t-il. Le ministre des Finances évoque aussi l'ouverture du marché du tabac : “Le gouvernement n'a pas l'intention de laisser le monopole privé se substituer au monopole public. Nous veillerons à ce que le marché du tabac fonctionne dans la concurrence avec au moins trois ou quatre opérateurs.” Il a parlé de redimensionner la sphère du service public. “L'eau, l'électricité, l'autoroute doivent s'autofinancer”, selon Benachenhou qui dit avoir l'intention de “couper le fax” entre les entreprises du secteur public et le Trésor. “Le Trésor public est fatigué d'avaler le mouton avec sa peau et ses cornes”, ironise-t-il. Le ministre des Finances, qui a tenu un discours guère tendre à l'égard des investisseurs, soutient que le secteur informel est un vrai problème, accusant “les entreprises françaises de n'être pas totalement étrangères au phénomène”. Le ministre des Finances souligne que l'euro fait beaucoup de mal à l'économie algérienne. “Nous avons un renchérissement notable de l'acte d'investir, de produire...”, affirme-t-il, expliquant que si le baril de pétrole algérien a été vendu en moyenne à 38,5 dollars en 2004, cela a correspondu à 28 euros en termes réels, soit le même niveau qu'en 2000. “Qu'est-ce qui vous empêche de vendre plus en euros ?” a répliqué M. De Silguy, qui fut commissaire européen aux Affaires monétaires et l'un des pères fondateurs de la monnaie unique. Benachenhou est, par ailleurs, revenu sur la décision prise par le Chef du gouvernement relative au dépôt des fonds des entreprises publiques dans les banques publiques. C'est un vrai problème, reconnaît-il. “Le Chef du gouvernement et moi-même savons très bien que nous ne pouvons pas casser un marché en deux. Néanmoins les raisons qui ont amené le président de la République à nous faire agir dans ce sens, vous les connaissez”, explique-t-il. “Il y a encore des escrocs sur le marché. Nous en avons encore découvert un avant-hier”, révèle le ministre. En termes d'attente, le ministre suggère “plus d'engagements des entreprises françaises” en matière d'investissement, de partenariat, d'expertise et de participation aux privatisations. M. R.