Deux années après le début de la crise des marchés pétroliers, le gouvernement n'a pas encore pris les mesures d'ajustement qui s'imposent pour tenter d'infléchir la tendance qui met en péril les réserves financières du pays. Le déficit du Trésor s'est creusé durant les deux premiers mois de l'année 2016 pour atteindre près de 1 404 milliards de dinars (mds) à fin février 2016 (contre près de 413 milliards de dinars à fin février 2015), soit une hausse de près de 240%, indiquent des statistiques fournies par le ministère des Finances reprises par l'APS. Les recettes budgétaires effectivement recouvrées (pétrolières et ordinaires) ont baissé à 713,6 milliards de dinars contre 894,43 milliards de dinars sur les deux périodes de comparaison (-20,2%), sachant que la loi de finances 2016 (LF 2016) table sur des recettes de 4 747,43 milliards de dinars sur l'année en cours. Quant aux dépenses budgétaires, elles ont augmenté en passant à près de 2 040 milliards de dinars sur les deux premiers mois de 2016, contre 1 222,6 milliards de dinars sur la même période 2015, soit une hausse de 66,85% (la LF 2016 prévoit des dépenses globales de 7 984,1 milliards de dinars sur l'année en cours). Les dépenses de fonctionnement ont grimpé à 1 256,5 milliards de dinars contre 937,64 milliards de dinars (+34%), alors que celles d'équipement sont montées à 783,5 milliards de dinars contre 284,96 mds de dinars (+175%). La fiscalité pétrolière recouvrée en janvier et février 2016 s'est établie à 321,67 mds de dinars contre 405,7 mds de dinars durant la même période de 2015 (-20,7%), selon les données provisoires du ministère. Pour rappel, le produit de la fiscalité pétrolière budgétisée, pour toute l'année 2016, s'élèverait à 1 682,6 milliards de dinars sous l'effet de la stabilité des prix de référence fiscale et du taux de change DA/dollars ainsi que de l'évolution positive des quantités d'hydrocarbures exportées en 2016 (+4,1%). Concernant les ressources ordinaires du Trésor, elles ont reculé à 391,91 mds de dinars à fin février 2016 (contre 488,73 mds de dinars à fin février 2015). Les recettes budgétaires s'établiraient, cette année, à 4 747,4 mds de dinars, soit une baisse de 4,1% par rapport aux recettes prévues dans la loi de finances complémentaire pour 2015 qui comprenait un revenu supplémentaire à caractère exceptionnel. Ce qui a donné un solde budgétaire déficitaire de 1 326,36 milliards de dinars sur les deux premiers mois contre 328,17 milliards de dinars à la même période de 2015 (+304,2%). Le solde des comptes d'affectation spéciale s'est affiché en baisse à 22 milliards de dinars (-25,3%) alors que le solde des autres opérations du Trésor a enregistré un recul de 12,8% pour s'établir à 99,5 milliards à fin février 2016. Le déficit global du Trésor (solde budgétaire + solde des comptes d'affectation + solde des opérations du Trésor) a ainsi atteint 1 403,86 milliards de dinars à fin février 2016 (la LF 2016 table sur un déficit du Trésor de 2 452 milliards de dinars sur toute l'année en cours). À ce rythme, le déficit global du Trésor pourrait atteindre les 4 000 milliards de dinars. Les ressources du Fonds de régulation ne seront pas suffisantes pour le combler. D'autant plus que, sur le plan légal, les avoirs du FRR ne peuvent descendre en dessous d'un certain seuil fixé par la loi de finances. Sur les deux premiers mois de 2016, les prélèvements sur le Fonds de régulation des recettes (FRR) se sont établis à 665,67 milliards. Sur l'année 2015, les prélèvements sur le FRR ont atteint 2 886,5 mds (contre 2 965,67 mds de dinars en 2014). Le ministre des Finances ne donne pas le niveau des recettes du FRR à février 2016. Mais selon la Banque d'Algérie, la tendance au creusement du déficit global du Trésor et à l'érosion des ressources du FRR s'est accentuée durant les trois premiers trimestres de 2015, en contexte de faiblesse des revenus de la fiscalité pétrolière liée à la faiblesse persistante des prix du pétrole, et de dépenses budgétaires toujours élevées. En effet, selon les données du Trésor, les recettes de la fiscalité pétrolière ont atteint 1 834,14 milliards de dinars à fin septembre 2015 (1 243,08 milliards de dinars à fin juin 2015) contre 2 603,40 milliards de dinars au cours de la même période de 2014 (1 870 milliards de dinars au premier semestre de 2014). Les chiffres inquiétants publiés par le ministère des Finances interpellent sur la nécessité d'une consolidation budgétaire que le gouvernement n'a vraisemblablement pas entamée, poursuivant ainsi sa fuite en avant. L'érosion rapide des marges de manœuvre dans un contexte international moins porteur, appelle à un changement urgent de cap. Meziane Rabhi