Vingt ans après sa mort, un colloque de deux jours a été consacré à Pierre Claverie, évêque d'Oran de 1981 à 1996, plus précisément jusqu'au 1er août 1996, jour de son assassinat, accompagné dans la mort par son ami et chauffeur, Mohammed Bouchikhi, âgé de 21ans. Organisé par le diocèse d'Oran, le colloque a regroupé de nombreuses personnalités issues des deux communautés chrétienne et musulmane, des proches de Pierre Claverie, sa sœur, la mère du jeune Mohammed, ainsi que Mgr Henri Teissier, le consul de France, le président de Jil Jaddid et des représentants des autorités locales et de nombreux autres anonymes universitaires ou du mouvement associatif. Une rencontre "en amitié" comme le soulignera l'actuel évêque d'Oran, Mgr Jean-Paul Vesco, qui, comme tous les présents, livrera, à travers de nombreux témoignages, le parcours atypique de Pierre Claverie, ses messages et engagements pour la tolérance et le vivre ensemble, pour le dialogue interreligieux. Un principe et un rêve qui restent partagés par beaucoup, aujourd'hui encore, malgré les grands bouleversements, dira un intervenant. Le parcours de Pierre Claverie est atypique car issu d'une famille de pieds-noirs de 4 générations. Ce n'est que plus tard, en 1967, au retour de ses études en France, que le jeune prêtre comprendra que sa jeunesse et sa formation se sont passées dans "une bulle coloniale", selon l'expression qu'il reprendra lui-même. À partir de cette date, il s'inscrira dans cette église d'Algérie qui a voulu rester et vivre auprès et avec les Algériens, après l'Indépendance. D'ailleurs, Mgr Henri Teissier nous dira que "durant l'histoire, il y a des gens qui avaient pris position avec l'Algérie, je citerai le père Scotto où en 1951 et 1952, j'ai rencontré chez lui Pierre Chaulet, Pierre Roche et biens d'autres encore. Pierre Claverie a illustré une évolution tout à fait précieuse de quelqu'un né dans l'Algérie coloniale et, qui ensuite, s'est aperçu qu'il fallait construire ensemble dans la société algérienne". Quant au parcours de Pierre Claverie, Mgr Henri Teissier dira ainsi que celui-ci symbolise "l'éveil de certains qui avaient ignoré les problèmes avant l'Indépendance et qui les ont découverts après l'Indépendance. Il y avait des gens qui soutenaient le système colonial et il y en avait qui ignoraient que la relation coloniale était une relation d'humiliation et de paupérisation", plaçant Pierre Claverie dans cette dernière catégorie. Notre interlocuteur rappellera encore la publication d'un ouvrage en deux volumes sur la liste de centaines de noms d'Européens en Algérie et en France qui se sont solidarisés avec la revendication algérienne. Quant au colloque qui s'est achevé hier, il a donné lieu à la représentation d'une pièce théâtrale Pierre et Mohammed pourquoi ? Ainsi qu'à la projection d'un documentaire inédit sur le parcours de Pierre Claverie, découvert avec émotion par ses proches. D. LOUKIL