L'ancien archevêque d'Alger, Mgr Henri Teissier (aujourd'hui archevêque émérite, retraité, mais toujours actif à Tlemcen), était jeudi à l'université des sciences islamiques de Constantine, où il a donné une conférence sur la «Convivialité islamo-chrétienne en Algérie au cours des âges». Constantine. De notre bureau L'initiative de cet événement, estimé très important dans une conjoncture difficile où l'islam est accusé de tous les maux et où émergent les extrémismes de tous bords, émane du recteur de l'institution, le docteur Abdallah Boukhalkhal, qui a salué les positions courageuses de Mgr Teissier. «Mgr Henri Teissier a une parfaite connaissance de la réalité algérienne de par 66 ans d'efforts au quotidien, avant et après l'indépendance ; il a toujours condamné le prosélytisme des uns et des autres, et prôné l'amitié et une cohabitation positive interreligieuse faite de respect mutuel. Les religions ont été envoyées par Dieu pour faire le bonheur des hommes, et non pas pour être une source de conflits mortels», a-t-il déclaré, en avant-propos. L'archevêque, qui a suscité l'admiration et la sympathie d'une assistance très nombreuse, parmi laquelle l'évêque de Constantine, Mgr Paul Desfarges, arborait une mine radieuse. En marge de la conférence, il nous a fait part de la grande amitié que lui ont manifestée les gens au plus fort moment du terrorisme. «Il y a des amitiés qui se dévoilent dont je n'ai jamais senti l'importance que dans les moments les plus difficiles, entre autres l'assassinat des 19 religieux chrétiens entre 1994 et 1996, dont Mgr Pierre Claverie, évêque d'Oran, et les sept moines de Tibhirine ; il ne faut pas oublier que les religieux musulmans ont payé un lourd tribut au terrorisme avec 800 imams assassinés ; les religions prônent l'amour et le respect de l'autre dans sa diversité, tout comme le Coran d'ailleurs, et non exciter les hommes entre eux», a-t-il souligné. Le cinquantenaire de l'indépendance, assure-t-il, est aussi «une opportunité de rappeler le rôle joué par les chrétiens aux côtés de leurs frères musulmans durant la guerre de Libération». Dans sa conférence, qu'il déclinera de bout en bout dans un arabe académique impeccable, il relatera la cohabitation interreligieuse depuis 14 siècles, avec de grandes figures de proue, des symboles de tolérance, dont l'Emir Abdelkader qui sauva 12 000 chrétiens en 1860. Le docteur Bachir Karboussi, enseignant au département des religions comparées, à la même institution, a fait part de sa satisfaction de ce genre d'initiative qui, selon lui, démontre que l'islam ne divise pas les hommes, mais les rassemble. «L'islam, dit-il, comme le christianisme, par son essence même, est une religion d'amour, et c'est cela qui n'a pas été compris.» Rappelons qu'il y aurait entre 10 000 à 12 000 chrétiens en Algérie, dont la plupart sont des travailleurs ou étudiants transsahariens temporaires. Les autres, dont des convertis, représentent aujourd'hui une infime minorité.