Dans les cycles primaire et moyen, 220 000 enseignants, qui n'ont pas le bac, font l'objet de recyclage. Après la réorganisation de l'enseignement secondaire, le département de l'éducation nationale se consacrera à la requalification des formateurs. Du propre aveu du ministre, ce chantier est titanesque. Le nombre effarant de prétendants au recyclage dans les cycles primaire et moyen rend compte effectivement de l'importance de cette entreprise. Sur l'ensemble des effectifs, soit 280 000 enseignants, 220 000 n'ont pas le bac. “Il nous faudra 6 à 8 ans pour mettre tout le monde à niveau”, prédit Boubekeur Benbouzid. Il intervenait, hier matin, au cours d'une conférence de presse tenue en marge de la réunion des 48 directeurs de wilaya à l'hôtel Mouflon d'Or (Alger). Quatre dossiers étaient à l'ordre du jour de cette importante rencontre, la réforme de l'enseignement secondaire, la révision du système d'évaluation, la création des grandes écoles et la réorganisation des inspections de wilaya. Dans son intervention devant les responsables de l'éducation des wilayas, le ministre s'est livré à une autocritique salutaire. Selon lui, 42,5% de réussite au baccalauréat sont loin d'être satisfaisants. “C'est tout juste une note 8/20. On est pas content”, reconnaît-il. Pis, même parmi les bacheliers, certains sont voués à l'échec. Pour preuve, 80% des admis des filières techniques font l'objet de déperdition, suite à leur orientation en technologie, dont ils ne maîtrisent pas les matières essentielles comme les mathématiques et la physique. Cette confession est du ministre de l'enseignement supérieur, Rachid Harraoubia. Son collègue de l'éducation nationale s'en est fait l'écho auprès de ses collaborateurs. Le but étant de montrer que le problème est à la base, dans la spécialisation précoce des élèves dès leur arrivée au lycée. La faiblesse du taux de réussite au baccalauréat a une autre cause, estime Benbouzid. À ses yeux, elle est due à l'absence d'une sélection rigoureuse dans l'accès aux études secondaires. D'où la mise en place d'un véritable système de filtrage. “Dans le primaire et le moyen, nous redoublons d'efforts afin de permettre au plus grand nombre d'arriver au terme du cycle présecondaire. Nous avons mis en place des méthodes de remédiation, dont une personnalisée pour assurer à 90% des cohortes de 9 ans d'études. Cela nous coûtera de l'argent, mais nous nous y engageons. Au-delà, tout dépendra des aptitudes des élèves. Nous n'allons pas les jeter à la rue mais leur offrir d'autres moyens de poursuivre leur scolarité”, explique le représentant de l'exécutif. Ces moyens ont trait à la mise en place d'un enseignement et d'une formation professionnels parallèles à l'enseignement pré-universitaire. “Nous avons tenté d'introduire ce système en 1992, mais nous l'avons ajourné en raison des contestations qu'il avait suscitées”, rappelle-t-il. Aujourd'hui, les choses semblent avoir changé. La présence de Hadj Dallalou, président de la Fédération des parents d'élèves, à la conférence des DE a de quoi rassurer le ministre sur l'aboutissement de ses projets, sans remous, ni oppositions. Les modèles d'enseignement en cours dans le monde, notamment chez nos voisins, en France et plus loin, au Japon sont, par ailleurs, les arguments choisis par Benbouzid pour justifier sa démarche. “Dans ces pays, la spécialisation précoce est abhorrée”, dit-il. Chez nous, elle est en voie de disparaître avec la suppression de 9 filières des enseignements général et technique sur un ensemble de 15. Les six sections restantes seront précédées de deux troncs communs en seconde. Le premier concerne les lettres, le second les sciences et la technologie. À son tour, chaque catégorie se divise en sections. On compte les langues étrangères, les lettres et la philosophie dans la catégorie lettres. Dans la seconde, catégorie, il y aura les sciences expérimentales, l'économie et la gestion, les mathématiques et les techniques mathématiques qui sont subdivisées, à leur tour, en quatre options de génie mécanique, électronique, électrique et des procédés. Ne seront admis au lycée que les élèves du moyen faisant valoir une moyenne de 10/20 au contrôle continu et au BEF. Le cœfficient de cet examen est élevé à trois. Dans une Algérie où l'élite intellectuelle est presque réduite à néant, l'ambition de l'éducation nationale est de la ranimer. Tel est l'énième saut qualitatif qu'elle veut faire. Il se matérialise dans la création de cinq lycées d'excellence, qui comporteront des classes préparatoires pour les grandes écoles. À l'université, des établissements déjà cotés s'apprêtent à changer de statut pour accueillir et former l'élite. Il s'agit dans le désordre de l'Ecole nationale polytechnique qui fournira aux étudiants méritants des études de mathématiques supérieures (maths-sup) ou spéciales (maths-spé). L'Ecole nationale d'agronomie comportera une spécialisation en biologie (bio-sup). Enfin, l'école supérieure de commerce ouvrira droit à de hautes études en commerce (HEC). Comme toutes les autres réformes susmentionnées, les écoles d'excellence seront lancées en septembre prochain. Leurs jeunes locataires — la première promotion comptera 700 — seront sélectionnés sur la base d'un dossier pédagogique et d'un concours. En retour, ils seront choyés comme des petits princes. Bénéficiant d'un régime d'internat, ils auront droit à une bourse d'études. “Nous allons essayer de mettre un micro-ordinateur portable à la disposition de chacun”, promet Benbouzid. Les autres établissements scolaires ne seront pas en reste. 1 000 collèges seront informatisés au cours de cette année. Sur le plan de l'encadrement, la tutelle va procéder au recrutement d'enseignants, notamment en maths, en physique et en informatique. Pour l'heure, le ministre refuse d'avancer un chiffre. Cette question sera au centre d'une prochaine conférence sur l'état des lieux du corps enseignant. L'enseignement de tamazight sera obligatoire n Cantonné dans quelques wilayas, Alger, Tizi Ouzou, Bouira, Béjaïa, l'enseignement de tamazight sera généralisé à toutes les villes du pays. C'est du moins ce qu'a annoncé hier le ministre de l'éducation nationale. Selon lui, l'intégration de cette langue dans les programmes est toujours au stade expérimental. “Nous devons mettre à contribution des spécialistes pour évaluer son essor. Ensuite, nous aviserons”, a indiqué Boubekeur Benbouzid. S. L.