Réconfortés par l'élan de solidarité qu'expriment des pans entiers de la société à leur égard depuis le début de la cabale politico-juridique que leur mène le pouvoir, les travailleurs d'El Khabar sont toujours sereins. Ils affrontent avec courage et dévouement de fortes pressions. Lors d'une virée, hier, au siège du journal à Alger, point de panique ou de défaitisme. D'emblée, le regard du visiteur est capté par une pancarte sur laquelle est écrit : "On n'abdiquera jamais." Elle annonce le climat qui règne à l'intérieur des locaux du journal. Audacieux, les consœurs et les confrères d'El Khabar sont confiants et optimistes. "Nous sommes habitués à ce genre de problèmes", nous a, d'emblée, dit Cherif Rezki, directeur de publication de ce quotidien arabophone. Forgé par de longues luttes pour la libre expression, El Khabar est devenu, au fil des années, un modèle de résistance contre les assauts impitoyables de tous bords. D'abord, contre ceux des hordes terroristes islamistes, ensuite, une résistance héroïque contre un pouvoir resté prisonnier d'une conception étriquée de la liberté de la presse. Le procès intenté par le ministre de la Communication, Hamid Grine, contre El Khabar, qui se tiendra aujourd'hui, semble n'avoir aucun effet sur le personnel de ce journal, hormis celui de souder l'équipe plus que jamais. Occupé par sa mission quotidienne, chacun vaquait, le plus sereinement, à ses occupations. Mohamed Sidoumou, journaliste politique, est catégorique. Pour lui, l'affaire est d'abord politique. "Certains veulent faire taire El Khabar en l'impliquant dans des luttes de clans auxquelles nous sommes étrangers", analyse-t-il. Il a révélé que cette volonté de fermer le journal s'exprime, aussi, par "des pressions exercées sur les juges". Mohamed ne perd pas de vue la lutte de son journal. Il s'agit d'abord de ce combat pour la liberté d'expression. "Notre combat est celui de la liberté de la presse", a-t-il dit, ajoutant qu'il sera, comme à l'accoutumée, au rendez-vous d'aujourd'hui, pour soutenir le quotidien lors du sit-in devant le tribunal administratif de Bir-Mourad-Raïs. Au moment où le jeune journaliste parlait du climat au sein du journal, le chroniqueur Saâd Bouakba fait son entrée dans la salle de rédaction. Les journalistes d'El Khabar se distinguent par leur professionnalisme. Jamais embourbés dans la pollution médiatique voulue par le régime, El Khabar est resté cet étendard de professionnels et de vérité. Solidarité et mobilisation "La mobilisation et la solidarité de la société avec El Khabar nous donnent de la force", a souligné Messaouda Boutalaâ, responsable de la rubrique culturelle du journal. Concentrée sur l'écran de son PC, Messaouda répond très calmement à nos questions. La jeune journaliste, comme tous les autres de la même rubrique, pense que la mobilisation de la société pour cette cause révèle "l'attachement des Algériens à la liberté et aux espaces d'expression libre". M. Cherif Rezki est du même avis. Pour lui, le personnel d'El Khabar est confiant parce que la transaction a été conclue en bonne et due forme. "On n'a transgressé aucun article de la loi sur l'information", a-t-il dit, soulignant que les membres du collectif du journal n'ont pas d'appréhension sur l'issue du procès d'aujourd'hui. Cherif Rezki qui a dénoncé l'exclusion de certains titres de la presse du bénéfice de la publicité étatique, a révélé qu'un quotidien à Oran "n'est même pas retiré de l'imprimerie, ne dispose pas d'adresse et bénéficie de la publicité étatique". "Cette manière de faire est synonyme d'un vol qualifié. C'est un crime contre l'économie nationale", a-t-il dit. En attendant l'issue du procès, dont ils craignent, toutefois, qu'elle obéisse à l'injonction politique plutôt qu'à la suprématie du droit, les travailleurs d'El Khabar assurent que, pour autant, rien ne les détournera de leur journal et du devoir de le défendre contre vents et marées. M. M.