Le sentiment d'indignation que suscite le procès intenté par le ministère de la Communication au groupe El Khabar ne cesse de grandir alors que les marques de solidarité et de soutien à ce titre de la presse indépendante continuent à être exprimées par de larges pans de la société. Il apparaît de plus à la veille de l'examen de l'affaire par le tribunal adminsitratif de Bir Mourad Raïs, que derrière l'action du gouvenement se cachent des véilliétés de soumettre, par le chantage et la menace, des organes de presse connus pour leur liberté de ton et leur critique vis-à-vis du pouvoir. Mobilisation générale pour défendre le très influent quotidien arabophone El Khabar qui fait l'objet de harcèlement politico-judiciare. Le ministre de la Communication, qui est intervenu dans une affaire commerciale pour bloquer le rachat des actions du journal par le groupe industriel Cevital en saisissant la justice, a provoqué un sentiment d'indignation et de colère au sein de la société dans sa diversité. C'est devenu l'affaire de l'opinion publique. Depuis que le ministre de la Communication a fait le choix de traîner le journal devant les tribunaux, de larges pans de l'opinion ont décelé une tentative de porter un coup à El Khabar, connu pour sa liberté de ton et sa ligne éditoriale indépendante. La classe politique – presque à l'unanimité – dénonce un harcèlement judiciaire pour «atteinte à la liberté de la presse et d'expression». Nombre d'acteurs politiques accusent Hamid Grine «d'exercer un chantage via la publicité, l'impression et les redressements fiscaux» contre les médias libres. D'autres considèrent que derrière l'affaire El Khabar se révèle des velléités de «soumettre le champ médiatique et de pourchasser les médias indépendants attachés à leur liberté dans une perspective de le remodeler violemment». Choquée, la société civile s'est fortement mobilisée en multipliant les messages de soutien au collectif d'El Khabar, condamnant la tentative du pouvoir politique d'étouffer un espace d'expression libre. Par dizaines, les avocats se sont constitués volontairement en collectif pour défendre le journal devant les tribunaux. L'élan de solidarité nationale ne cesse de prendre de l'ampleur. Le Syndicat national des journalistes dénonce une forme de pression sur la presse. «Ce qui, en effet, n'était qu'une transaction commerciale entre deux parties consentantes, en l'occurrence le groupe El Khabar et le groupe industriel Cevital, avec, en prime, la préservation des intérêts de l'ensemble des salariés de notre confrère El Khabar, dans toutes ses filiales, vire brutalement à une nouvelle forme de pression du pouvoir sur la presse», a vilipendé le SNJ. «La société, du citoyen dans les régions, des partis politiques, des organisations de la société civile jusqu'aux anciens responsables, parmi eux d'ex-ministres, ont pris conscience que le journal El Khabar fait l'objet de complot», estime le journaliste d'El Khabar Hamid Yassine. Manifestement, le ministre de la Communication, Hamid Grine, a réussi un consensus national contre lui. «Il s'est empêtré dans une affaire qui ne concerne pas son secteur. Plus dangereux que cela, il a piétiné la loi en se substituant à l'autorité de régulation de la presse écrite, habilitée à saisir la justice dans le cas où la loi n'est pas respectée», explique encore notre confrère d'El Khabar. Non seulement le ministre, avec zèle, a provoqué le scandale de trop, mais il a aussi entraîné le gouvernement dans un affaire dont il sortira perdant quelle qu'en soit l'issue. En s'entêtant à brûler le journal El Khabar, il a mis le feu partout. Le silence du Premier ministre est embarrassant sur une affaire qui alimente la tension sociale. Il est à relever que les partis de la coalition n'ont pas apporté un soutien clair au ministre de la Communication. En coulisses, certains membres du gouvernement se disent «sérieusement agacés par cette affaire». Ahmed Ouyahia – renforcé dans son poste de secrétaire général du RND – déclarant qu' «El Khabar est l'un des plus grands journaux du pays et qui a donné des martyrs. Ce journal est un acquis pour l'Algérie», sonne comme un désaveu contre celui par qui le scandale est arrivé. Déjà en difficulté économique et politique, l'Exécutif se serait allègrement passé d'un épisode qui, au final, ne peut que noircir davantage l'image d'une équipe au pouvoir qui navigue à vue, qui collectionne les dérives alors que le pays s'enfonce chaque jour un peu plus dans l'incertitude. Impasse politique, déficit économique et crise de confiance abyssale entre la société et les dirigeants. L'état de santé du Président et sa capacité à gouverner rendent complexe toute possibilité de briser le statu quo. De toute évidence, l'affaire El Khabar révèle l'esprit revanchard des décideurs, mais pose cruellement la problématique des libertés démocratiques dans le pays. Immanquablement il s'agit d'un enjeu démocratique. Mise en résidence surveillée, la liberté d'expression est encore une fois convoquée au tribunal. Programmée demain au tribunal de Bir Mourad Rais (Alger) après deux reports, l'affaire El Khabar sera jugée. Un autre test pour la justice dont l'indépendance est sérieusement mise en doute, notamment depuis l'affaire Chakib Khelil. «Nous avons un dossier en béton. De l'avis des juristes, les articles 25 et 17 de la loi sur l'information invoqués sont soit anticonstutitionnels soit caducs car l'autorité de régulation de la presse écrite n'existe pas, bien que prévue par la loi de 2012», explique le directeur d'El Khabar, Cherif Rezki.