La velléité du pouvoir, via Hamid Grine, son bras armé, de faire échouer la vente d'actions du groupe de presse El Khabar à la SPA "Ness-Prod" achève de lever définitivement le voile sur la gabegie, la pagaille qui prévaut aujourd'hui dans la communication. Une authentique jungle ! Le secteur est devenu un espace de non-droit, une sorte de vitrine dans laquelle on a le loisir d'observer dans toute sa splendeur le pourrissement institutionnel du pays, livré à un régime en fin de vie. Alors que l'Autorité de régulation de l'audiovisuel (Arav) instituée par la loi n'existe pas encore, le paysage des médias lourds se caractérise par l'existence de dizaines de chaînes de droits étrangers, qui émettent de l'étranger pour proposer un contenu algérien. Une aberration juridique, politique qui ne doit pas avoir sa pareille au monde. Comment ces chaînes sont créées, par qui, comment sont-elles financées, comment l'argent sort pour payer la partie étrangère qui assure la diffusion ? Autant de questions qui demeurent sans réponse. Un des prédécesseurs de Hamid Grine, en visite de courtoisie à Liberté, interrogé sur l'origine des fonds qui sont derrière ces télévisions offshore avait humblement reconnu : "La situation m'échappe totalement." D'ailleurs, il ne tardera pas à quitter le poste, en se rendant compte qu'un ministre de la Communication n'est qu'un personnage alibi pour exécuter des politiques élaborées dans des cabinets des "shadow cabinets". Au-delà de la situation qui prévaut dans le secteur, on se demande si le gel, de fait, de l'Autorité de régulation n'est pas un choix délibéré. Miloud Chorfi, un jour, à la surprise générale, avait été installé par Hamid Grine qui, de son propre aveu, n'avait même pas eu son mot à dire sur ce choix. Mais les membres désignés de cette instance censée être une sorte de police de l'éthique et de la déontologie professionnelle n'ont été ni désignés et encore moins installés. Ce qui n'a pas empêché Miloud Chorfi de prononcer la fermeture de Numidia News pour défaut d'allégeance politique et, dans le même temps, de brandir quelques cartons jaunes, bien gentils, contre d'autres télévisions dont la spécialité thématique est la diffamation, l'intox et la désinformation. Encore, à la surprise générale, Miloud Chorfi est débarqué de l'Arav pour se voir bombardé au poste de sénateur dans le tiers présidentiel. En fait, sa désignation à la tête de l'Arav posait un problème de conflit d'intérêts car son fils est propriétaire de la télévision El-Adjwa. D'où son départ. Et son remplaçant attend toujours d'être désigné. Mais il y a fort à parier que cela ne se fera pas de sitôt, car cette situation de non-droit profite au régime pour imposer le fait du prince dans un secteur aussi stratégique que l'audiovisuel dans lequel il ne tolère pas la moindre concurrence. Raison qui justifie cette décision arbitraire de torpiller le rachat du Groupe El Khabar, un danger potentiel qui risque de jouer les trouble-fêtes dans la bataille de succession. Le même constat peut s'observer dans la presse écrite. Hamid Grine devait procéder à l'installation officielle de l'Autorité de régulation le 3 mai prochain. Mais tout porte à croire qu'elle ne verra pas le jour, alors qu'elle est instituée en vertu d'une loi votée par les parlementaires. L'ex-ministre de la Communication, Nacer Mehal, avait présenté cette loi, juste après son adoption, comme "une avancée" révolutionnaire sur la voie de la liberté de la presse et de son autonomie vis-à-vis de l'Exécutif. Mais visiblement, Hamid Grine ne l'entend pas de cette oreille en déclarant dimanche dernier que la loi prévoyait cette Autorité de régulation, mais "en tant que ministre et vu l'évolution de la presse, je m'interroge sur l'opportunité de cette Autorité de régulation". "Dès lors qu'il y aura un conseil de l'éthique qui va s'autosaisir de tous les problèmes liés à la déontologie et à l'éthique, je ne vois aucune utilité (...) de l'opportunité de cette autorité." Voire ! Que dire alors de la loi sur la publicité qui est bloquée depuis l'époque où Aziz Rahabi était à la tête de la Communication. Comme pour les deux autorités de régulation, cette loi risque d'être renvoyée aux calendes grecques. La situation actuelle permet de faire usage de la manne publicitaire étatique comme d'une arme de chantage. Cette loi ne passera qu'au moment "opportun", elle passera au Parlement et qu'il ne fallait s'attendre à "aucun miracle". Parole de Hamid Grine qui serait plus inspiré de mettre de l'ordre dans son secteur au lieu de bassiner les Algériens avec ses tirades lyriques sur la déontologie, "le cercle vertueux" et tutti quanti. Comme s'il s'agissait de réinventer dans la presse algérienne le fil à couper le beurre. Loi sur l'information Art. 25. — Une même personne morale de droit algérien ne peut posséder, contrôler ou diriger qu'une seule publication périodique d'information générale de même périodicité éditée en Algérie.