Résumé : Après le départ de son mari, Houria se retrouve seule avec Aïssa. Elle est si frustrée qu'elle n'arrivait plus à dominer ses émotions et ses envies de vengeance. Taos arrive avec ses enfants et tente de la raisonner. Elle hoche la tête : -Oui. Ce matin. J'ai beau le supplier de m'emmener avec eux, mais mon ingrat de mari ne voulait rien savoir. -Peut-être ne voulait-il pas que tu abandonnes la ferme. -Il l'avait bien abandonnée lorsque nous étions tous en France. Que va-t-il arriver si on fermait la porte de la maison pour quelques mois ? -Rien. Mais je pense que Amar est habitué à vivre seul depuis ton retour au village. -Non. Il n'est pas seul. Tu oublies Meriem. Et bien avant, il avait même gardé Ghania. Elle se met à pleurer : -Pauvre Ghania. Je n'arrive pas encore à croire qu'elle est partie, et que je ne la reverrai plus. -C'est la volonté de Dieu ma sœur. On n'y peut rien. Prie Dieu de te garder en bonne santé et de préserver Aïssa de tous les maux. -Je n'ai cessé de le faire. (Elle renifle) Cette vipère de Meriem a eu le privilège de vivre auprès de son père. Pourquoi pas nous ? Il nous refuse. Il nous renie. -Ne dis pas cela. Amar est encore sous le choc. Ghania est aussi sa fille, ne l'oublie pas. -Oui. C'est pour cela qu'il s'était empressé de se débarrasser d'elle lors de son précédent voyage. Il ne voulait plus qu'elle reste en France pour ne pas déranger sa grande. Ah ! Taos, si tu pouvais ressentir ces flammes qui brûlent en moi. Chaque parcelle de mon corps veut se venger de lui ! -Cesse de dire des bêtises. Amar est tout de même ton mari et le père de ton fils. Il y a juste un malentendu entre vous. Cela se dissipera peut-être à son prochain voyage. -Non. Cela ne se dissipera pas. Tant qu'il a Meriem, il campera sur ses positions. Je devrais trouver le moyen de lui démontrer que moi aussi j'ai des droits sur lui. Taos secoue la tête : -Arrête de te faire du mauvais sang Houria. Amar est aussi responsable que toi de sa petite famille. Que Dieu vous préserve des malheurs de ce monde. Ne sois pas cruelle envers Meriem qui souffre avec vous tous. Un jour, tu seras heureuse de l'avoir auprès de toi. Houria hausse les épaules : -Mes filles sont mortes. Alors... -Que Dieu ait leur âme. Taos se lève pour préparer le dîner. Ses deux enfants lisaient dans un coin de la salle. Houria les regarde. Ils avaient respectivement 12 et 14 ans et allaient tous les deux au collège. Taos était fière d'eux. Il y avait de quoi. Ils étaient beaux et travaillaient bien à l'école. Leur père était mort d'une pneumonie cinq années plus tôt. C'était un homme qui s'était marié sur le tard. Un homme qui avait connu les affres de la guerre et perdait parfois le fil de ses pensées. Avec sa pension, il avait acheté quelques lopins de terres qui permettaient à la famille de vivre à l'abri du besoin. Taos touche maintenant une pension conséquente et peut souffler. Cependant, elle ne lésinait jamais devant la besogne et faisait des économies pour assurer l'avenir de ses deux garçons. Elle la regarde qui pétrissait la galette avec ses mains habiles. Une marmite était déjà posée sur le feu et une odeur d'épices et d'huile s'était répandue dans la maison. Houria se lève pour déposer son fils dans son berceau. L'enfant rassasié dormait du sommeil du juste. Sa mère lui caresse les cheveux et l'embrasse sur le front : "Que Dieu te préserve du mauvais œil et des cœurs envieux mon fils." À des milliers de kilomètres de là, Amar reprend son travail de maçon. Meriem de son côté avait repris le chemin de l'école. C'était déjà la rentrée, et c'est le cœur gros qu'elle s'était rendue à son premier cours. Le souvenir de Ghania était encore vivace dans son esprit. Elle avait pleuré sa petite sœur et avait encore beaucoup de chagrin pour elle. Elle avait aimé Ghania et Melaaz de tout son cœur, et chérissait Aïssa par-dessus tout. Elle avait toujours rêvé de vivre dans une grande famille. Et maintenant ? Maintenant il ne restait plus que son petit frère. Que Dieu lui accorde une longue vie, se surprend-elle à souhaiter. Elle ramasse ses affaires éparpillées sur la table du salon et se rend dans la cuisine pour se préparer un sandwich. Elle ne devait reprendre ses cours que vers le milieu de l'après-midi. Elle s'était donc empressée de rentrer pour mettre un peu d'ordre dans la maison et récupérer son manteau. Il faisait déjà froid à Paris. L'hiver promettait d'être rude. Le soleil de son village était loin derrière elle. Son père lui avait promis de la laisser passer les prochaines vacances de fin d'année à la ferme. Des familles d'émigrés pourraient la prendre avec elles. On n'en était pas encore là. Pour le moment, elle devrait plutôt s'intéresser à ses études pour mettre du baume sur les nombreuses plaies dont souffrait son père. (À suivre) Y. H.