Les hommes se suicident plus que les femmes : 527 contre 172. Mais pour ce qui est du nombre de tentatives, les femmes surclassent les hommes. Lors de la décennie précédente marquée par un terrorisme islamiste barbare, le phénomène du suicide a connu un pic. De 251 en 1993, le nombre de suicidés est passé à 699 en 2003. D'un taux de 0,94% pour 100 000 habitants en 1993, on a atteint en 2003 celui de 2,25% pour 100 000 habitants. Ces chiffres sont livrés par le professeur M. Khiati, président du Forem, à l'occasion du séminaire national sur le suicide, organisé hier à la bibliothèque communale d'El-Harrach (Alger). Dans son étude sur “l'épidémiologie du suicide en Algérie”, allant de 1993 à 2003, le professeur Khiati a indiqué qu'en Algérie il y a un décès toutes les 12 heures. Pour lui, les hommes se suicident plus que les femmes : 527 contre 172. Mais pour ce qui est des tentatives de suicide, les femmes surclassent les hommes. En 2000, 330 femmes ont tenté de se donner la mort contre 178 hommes. Par catégorie d'âge, celle des 18 à 48 ans est en tête avec un taux de 62,21%. Elle est suivie par celle des 49 ans et plus avec un taux de 27,21%. Fermant le peloton, la catégorie des moins de 18 ans représente 10,66%. Par wilaya, Tizi Ouzou est en tête avec un taux de 13,74%, suivie par Béjaïa (7,82%), et Bouira (4,31%). Une dizaine de wilayas (Tizi Ouzou, Béjaïa, Bouira, Tlemcen, Alger, Batna, Aïn Defla, Sidi Bel-Abbès et Sétif) représente presque la moitié (48,13%) du nombre total des suicidés. Concernant les causes du suicide, elles se déclinent comme suit : déficience mentale (19,07%), dépression (15,69%), cas de désespoir (14,78%), problèmes familiaux (12,31%) et autres (38,15%). Pour ce qui est des moyens utilisés, 126 des suicidés ont recouru à la pendaison, 42 aux chutes volontaires, 28 à l'arme à feu, 22 à l'ingestion de produits chimiques. Par profession, les sans-emploi sont en tête avec un taux de 63%. Ils sont talonnés par les employés (12%), suivis des fonctionnaires (11%), des professions libérales (8%) et des étudiants (6%). Pour le professeur Khiati, des causes sous-jacentes (la pauvreté, le chômage, la perte d'un être cher, des ennuis professionnels ou avec la justice, l'abus d'alcool et de drogue, les sévices sexuels subis pendant l'enfance, certains troubles mentaux comme la dépression et la schizophrénie, etc.) sont à l'origine des comportements suicidaires. Aussi le professeur estime-t-il qu'il y a lieu d'identifier les catégories à risque, d'agir sur les causes les plus fréquentes et de développer une politique de prévention. Dans sa communication sur “l'approche psychologique du suicide : le cas de Tizi Ouzou”, Mme Hassina Yahiaoui a soutenu que le désespoir est un des éléments les plus déterminants qui nourrissent l'inconscient suicidaire. Ayant fait une étude sur un échantillon de 10 cas (toutes des femmes) de tentatives de suicide, Mme Yahiaoui est arrivée au résultat que les conflits familiaux et interpersonnels en sont la cause. Par leur acte, les “suicidantes” veulent lancer un SOS sur l'absence de communication avec l'entourage immédiat. Mais elle déplore l'absence d'un suivi psychologique une fois les “suicidantes” rentrées chez elles. Le hic est que les “suicidants” sont généralement récidivistes. Développant une approche psychiatrique du phénomène, le Pr Mahmoud Ould Taleb estime qu'on ne peut parler de suicide que quand il y a hospitalisation. Pour lui, 94% des suicidés ont un trouble du comportement (dépression, toxicomanie…). Ceci dit, il a appelé à casser le tabou entourant ce phénomène. Dans son approche éthique et religieuse du phénomène, Abderrezak Guessoum a rappelé que, selon l'islam, nul n'a le droit d'attenter à sa vie. Aussi considère-t-il que le suicide est plus grave que l'assassinat. Pour lui, ce n'est pas l'élément matériel qui est déterminant dans le comportement suicidaire, mais plutôt le vide spirituel et idéologique comme solution pour ceux qui ont manqué leur tentative de suicide, M. Guessoum propose la sensibilisation et… la sanction pour “servir d'exemple aux autres”. Enfin, une association nationale de lutte contre le suicide a été créée sur proposition du président de l'APC d'El-Harrach, Abdelkrim Amzal. A. C.