Ce samedi, à quelques jours de la célébration de l'Aïd, des migrants se sont regroupés en plusieurs endroits, le long du boulevard, cherchant un coin d'ombre sous les branches des arbres. Au rond-point Bouchikhi, en direction de Canastel à l'Est d'Oran, on rencontre quotidiennement les travailleurs journaliers proposant leurs bras à des employeurs occasionnels à la recherche d'une main-d'œuvre bon marché et sans aucune autre forme d'obligation réglementaire. Le lieu est connu à Oran et représente, depuis des années, l'image d'une réalité nouvelle en Algérie n'échappant plus à personne car parmi ces gens il y a les Algériens et les migrants africains. Mais ces deux groupes gardent leurs distances et parfois des accrochages physiques ont lieu et avec le temps aussi, les migrants se sont font plus nombreux. Ce samedi, à quelques jours de la célébration de l'Aïd, des migrants se sont regroupés en plusieurs endroits, le long du boulevard, cherchant un coin d'ombre sous les branches des arbres. Une femme, un panier à la main, s'approche et tous se précipitent vers elle. Elle sort de son porte-monnaie de l'argent. Les premiers arrivés tendent la main, deux, trois, quatre, reçoivent cette aumône puis le nombre grandit autour de la bienfaitrice. Ces migrants sont Camerounais, Maliens, Nigériens, et pour eux Oran le Ramadhan, la rahma, c'est loin : "Je suis musulman et chez moi on m'a appris que le Ramadhan c'est le respect, excuse-moi mais ce n'est pas le cas" lâche avec douleur Oumar originaire du Cameroun. "Dans la mosquée, des hommes s'écartent de moi et si je les touche ils s'essuient le bras parce que je suis noir, parce que dehors les jeunes, nous disent qu'on est des sales négros et nous agressent". Pour ses camarades de misère, les réflexions et les gestes racistes sont récurrents, dans les bus, dans la rue, chez les commerçants très souvent aussi les agressions physiques violentes et brutales. L'un d'entre eux nous montre des cicatrices aux bras : "On m'a attaqué en fin de journée et pris mon argent et mon portable, au commissariat on m'a renvoyé" explique-t-il. Tous précisent que ce sont surtout les jeunes qui s'en prennent à eux, et pas "les vieux" avec qui ils n'ont "pas de problème". Néanmoins et au milieu de leurs témoignages sur le racisme au quotidien, ils nuancent : "Tous les Algériens ne sont pas pareils, d'autres sont généreux". Il y a aussi les restos du Croissant-Rouge algérien qui leur sont ouverts, sans aucun problème au même titre que tous les Algériens tout aussi miséreux et paumés qu'eux. Récemment un grand hôtel d'Oran a offert un f'tour à des migrants, des SDF, des pauvres et des marginaux. Ce soir-là les migrants se sont sentis humains parmi d'autres et ont même chantonné "Vive l'Algérie". D. LOUKIL