Dans ce nouveau bras de fer juridique, la compagnie pétrolière nationale risque de débourser 500 millions d'euros à Total, si elle est déboutée. Les compagnies française et espagnole, Total et Repsol, viennent de remuer le couteau dans la plaie. En effet, Sonatrach confirme dans un communiqué rendu public par l'APS l'information parue dans la presse internationale selon laquelle Total et Repsol ont porté leur contentieux avec elle devant les instances arbitrales internationales. "Sonatrach a pris acte de la voie contentieuse empruntée par Total et Repsol consistant à réclamer auprès des instances arbitrales internationales un dédommagement du fait de l'application de la loi relative à la mise en œuvre de la taxe sur les profits exceptionnels par Sonatrach instaurée en 2006", lit-on dans le texte. La compagnie pétrolière nationale affirme être ouverte à la recherche de solutions acceptables de ce différend commercial tout en ne ménageant aucun effort pour défendre ses intérêts : "Sonatrach mobilisera tout son potentiel pour répondre efficacement à cette situation". Sonatrach minimise les conséquences que pourrait induire un jugement en faveur de Total et Repsol. "Il est observé que les droits à l'enlèvement de Total et Repsol réunis sur TFT (Tin Fouye Tabankort) sur la base d'un prix de 50 dollars représentent moins de 0,3% de la production totale en Algérie". Total évalue le dédommagement à 500 millions d'euros selon la presse internationale. Une mauvaise nouvelle pour Sonatrach si elle perd la partie. Total et Repsol, dans ce scénario, vont puiser dans les caisses de Sonatrach au moment où elle a besoin de cash pour financer son plan de développement 2016-2020, doté d'une enveloppe de 73 milliards de dollars. Il convient de souligner ici que ce type de contentieux est l'héritage de l'ère Khelil. Alors qu'il était ministre de l'Energie, il a appliqué la disposition inhérente aux amendements de loi de 2005 concernant la taxe sur les profits exceptionnels à des contrats signés sous la loi 86-05, amendée en 1991. Une sorte d'écrémage des profits des compagnies internationales lorsque le prix du baril était au dessus de 30 dollars. Cette TPE taxe entre 5 et 50% la valeur de production quotidienne sur la base de la moyenne mensuelle à partir du prix de pétrole au-delà de 30 dollars. Elle intervenait dans un contexte de prix du pétrole élevés. Le cadeau empoisonné de Chakib Khelil à l'Algérie : la perte de milliards de dollars Le ministre de l'époque a ordonné sa mise en œuvre sans tenir compte de l'effet rétroactif qui rend caduque, selon les règles juridiques internationales, l'application de la mesure à des contrats signés avant l'abrogation des amendements de 2006 et qui tombaient sous la loi 86-05. Les premières à réagir ont été les compagnies américaine et danoise, Anadarko et Maersk. Elles ont eu gain de cause puisque le contrat sur le gros gisement de Hassi-Berkine a été conclu avec Sonatrach bien avant la promulgation des amendements. Sonatrach a dû octroyer, suite à un accord à l'amiable conclu en 2012, 4,4 milliards de dollars de dédommagements sous forme de quantités supplémentaires de pétrole livrées, la révision du contrat et du pourcentage de la TPE. Chakib Khelil a fait perdre ainsi à l'Algérie plusieurs milliards de dollars. D'autres compagnies n'ont pas osé faire le pas en faisant peser le poids de leurs intérêts pétroliers en Algérie. En fait, Total et Repsol ont réagi en retard. La première, jugeant que ses intérêts ne sont pas importants en Algérie, a décidé de réclamer des dédommagements en mai 2016. En effet, elle exploite avec Sonatrach et Repsol le gisement de gaz humide de Tin Fouye Tabankort en déclin et attend la mise en service du champ de gaz de Timimoun d'une capacité de 1,6 milliard de mètres cubes/an en 2017. Total a réagi, sans doute, suite à une déception : son expansion en Algérie a été freinée : ses négociations avec Sonatrach sur le développement du gros gisement de gaz de l'Ahnet et sur la réalisation d'un complexe de vapocrackage d'éthane à Arzew, avaient avorté. En revanche, les intérêts de Repsol sont plus importants. Le gisement de Reggane-Nord d'une capacité de plus de 2 milliards de mètres cubes/an de gaz entrera en production en 2017. La compagnie espagnole détient deux permis d'exploration. Le premier, périmètre du sud, qui se trouve à Illizi, est à sa troisième phase d'exploration et a enregistré plusieurs découvertes de gaz jugées importantes. Le second est situé dans le périmètre de Boughezoul. Enfin, bien qu'un accord amiable entre les deux compagnies précitées ne soit pas exclu, il est clair qu'au-delà des pertes financières, la réputation de l'Algérie est écornée à travers ces contentieux. Pis, l'encadrement juridique du secteur reste incohérent après plus d'une décennie de travaux d'amélioration du système fiscal dans le secteur des hydrocarbures, alors qu'il fallait juste adapter la loi 86-05 au nouveau contexte. Un texte considéré par les compagnies pétrolières internationales comme plus attractif et offrant plus de visibilité. Après cette longue quête, il s'avère que c'est l'échec de la révision du système juridique encadrant le secteur des hydrocarbures qui est à l'origine du grand retard dans le développement du secteur des hydrocarbures du pays, ainsi que des progrès insuffisants dans l'augmentation des réserves de pétrole et de gaz de l'Algérie. K. Remouche