Rares sont les concessionnaires automobiles qui acceptent de délivrer une attestation d'engagement aux porteurs de projet devant acquérir des véhicules utilitaires dans le cadre des dispositifs de soutien à l'emploi des jeunes. Pas moins de 50 000 projets en cours d'étude dans les banques et les agences de création d'emploi ou de soutien à l'emploi des jeunes risquent de tomber à l'eau. Que s'est-il passé exactement et pourquoi les jeunes promoteurs peinent à concrétiser leurs projets ? Tout a commencé en 2015 quand le gouvernement a annoncé des mesures drastiques pour limiter les importations des véhicules neufs. En 2016, alors que des jeunes promoteurs avaient déposé des projets au niveau des agences dédiées à la création d'emplois, Ansej et Cnac notamment, le gouvernement annonce l'instauration des licences et des quotas d'importation. En l'absence d'une coordination entre les concessionnaires automobiles et le gouvernement, notamment avec les ministères de l'Industrie et des Finances, les banques ont donné leur quitus à des dizaines de milliers de projets sur la base de factures proforma délivrées par les concessionnaires automobiles pour évaluer le coût du projet. Il se trouve que ces factures pro forma, même si elles expirent au bout de 48 heures, sont retenues au niveau des banques à titre de justificatif pour évaluer le coût du véhicule en hors taxes et sont uniquement valables pour les projets de la Cnac et de l'Ansej. Les dossiers acceptés, les banques exigent des jeunes promoteurs des attestations d'engagement dûment signées par les concessionnaires qui doivent, au préalable, garantir la disponibilité du véhicule à acquérir, et ce, en accordant aux jeunes promoteurs un délai de rigueur limité à trois mois. En contrepartie, le client devra remettre un chèque portant le montant total du prix du véhicule. Or, il se trouve que la plupart des concessionnaires n'ont pas lancé leurs commandes auprès des maisons-mères pour pouvoir s'engager à délivrer les véhicules. Pis encore, des concessionnaires qui misaient sur le véhicule utilitaire n'ont obtenu qu'un quota limité à 300, 500 et 800 unités/an. Les autres, à savoir ceux qui ont obtenu des quotas supérieurs à 3 000 unités/an, ont limité le nombre de véhicules utilitaires à importer, sachant que ces produits sont facturés en hors taxes et que, du coup, ils ne bénéficient pas de grosses marges. Mieux, les contradictions soulevées par les professionnels du secteur entre le cahier des charges et les deux notes adressées aux concessionnaires par les ministères du Commerce et de l'Industrie, l'une pour ne pas réévaluer les tarifs fixés sur le bon de commande et l'autre qui prévoit le retrait de l'agrément à tout concessionnaire qui ne lancerait pas une activité industrielle au 1er janvier 2017, ont créé une situation kafkaïenne chez les jeunes promoteurs qui voient leurs projets bloqués de facto. Ces deux notes ont complètement déstabilisé les concessionnaires, pour la plupart pris de court, par ailleurs, par la dévaluation du dinar. Selon des témoignages recueillis par nos soins auprès de plusieurs jeunes promoteurs, "rares sont les concessionnaires automobiles qui acceptent de délivrer une attestation d'engagement. On est pris entre deux feux". D'une part, les livraisons sont annoncées pour les mois de septembre et octobre prochains, d'autre part, les tarifs appliqués actuellement pourraient être revus à la hausse à cause de la dévaluation du dinar. Contactés, certains concessionnaires touchés par cette crise sont unanimes à estimer que "le gouvernement doit revoir sa copie en ce qui concerne l'importation des véhicules utilitaires. Comme vous le savez, les prix pratiqués sur ces véhicules n'arrangent pas les concessionnaires. Ces derniers n'en tirent pas de grands profits à même de leur permettre de faire face à leurs charges et de maintenir les emplois. Cette situation pénalise sérieusement les clients, mais aussi les entreprises". Selon les données du marché, les besoins en véhicules utilitaires avoisinent 65 000 unités/an. Avec un contingent limité à 83 000 unités/an, tous segments confondus, le véhicule utilitaire ne pourrait dépasser 5%. Ce qui compliquera davantage la situation dans les années à venir. FARID BELGACEM