La compagnie française Total, en décidant de s'en remettre à l'arbitrage international dans l'affaire des profits exceptionnels pourrait voir ses intérêts se rétrécir comme une peau de chagrin, notamment un mégaprojet pétrochimique. Le nouveau bras de fer juridique Sonatrach-Total dévoile un pan de la mauvaise gestion du secteur depuis les années 2000. Dans le dossier Total, la compagnie pétrolière nationale ne fait qu'hériter du dossier mal engagé par Chakib Khelil, le ministre de l'Energie de l'époque, qui a donné le feu vert au prélèvement de la taxe sur les profits exceptionnels (TPE) y compris sur la valeur des productions concernées par les contrats signés avant la promulgation de cette disposition en 2006, sans un sérieux suivi. Résultat de la mauvaise application de la disposition, en 2012, Sonatrach a dû consentir 4,4 millards de dollars de compensation à Anadarko. Ce premier contentieux, réglé au forceps, allait ouvrir la voie quelques années plus tard à un nouveau bras de fer. En mai 2016, Total et Repsol engagent une procédure contentieuse similaire après plus de huit ans de silence. Le groupe français réclame 500 millions d'euros à Sonatrach. La liste des compagnies concernées par ce type de contentieux risque de s'allonger. "Ce n'est pas la TPE qui est remise en cause par les compagnies internationales. C'est l'application de cette disposition par la partie algérienne", souligne un spécialiste en fiscalité pétrolière. Mais Sonatrach a, dans le traitement de ces litiges, un atout : les compagnies qui ont de gros intérêts en Algérie et qui veulent se développer, sont tentées d'éviter la procédure contentieuse. Tel est le cas de la compagnie italienne Eni qui n'a pas voulu tourner le dos à l'avenir de ses relations avec Sonatrach. Les perspectives de son développement en Algérie restent très prometteuses. En revanche, à moins d'un accord à l'amiable trouvé entre les deux parties, Total risque de perdre beaucoup : ses intérêts vont se rétrécir comme une peau de chagrin. N'oublions pas qu'elle est toujours en négociation avec Sonatrach pour un mégaprojet pétrochimique. Autre héritage de l'ère Khelil : les scandales de Sonatrach I et II, rendus publics à partir de 2010, dévoilent que la mauvaise gouvernance de cette compagnie et l'absence d'un véritable audit, ont favorisé une grosse affaire de corruption qui, outre le fait d'avoir décapité son top management, allait entraîner une ère d'indécision de plusieurs années marquée par plusieurs changements à la tête de la compagnie pétrolière nationale. Sans que la Présidence intervienne pour remettre les pendules à l'heure. En effet, après tous ces bouleversements au sein d'une compagnie qui procure quasiment la totalité des revenus en devises de l'Algérie et 60 à 70% de sa fiscalité, le secteur n'a toujours pas, paradoxalement, une vision à moyen et long termes de redynamisation du secteur des hydrocarbures, une véritable politique de maîtrise et d'efficacité énergétique. L'indice de cette gestion aléatoire du secteur : l'explosion de la demande domestique en produits énergétiques pourrait changer plus tôt que prévu le statut de l'Algérie : d'exportateur à importateur de pétrole brut. En outre, le chantier de développement des énergies renouvelables accuse un grand retard faute d'avoir opté pour une démarche efficace. En un mot, ce secteur manque d'une véritable stratégie à moyen et long termes. Cette absence de vision matérialisée, entre autres, par l'économie du recours au Haut conseil de l'énergie risque de coûter cher à l'Algérie. Car les fenêtres d'opportunités pourraient se fermer dans deux à trois ans. K. Remouche