La vache à lait et le système Le changement à la tête du ministère de l'Energie dénote une grave dérive dans la gestion du secteur. D'abord, le choix par nos gouvernants de Salah Khebri au poste de ministre a été véritablement une erreur de casting. Tant celui-ci a confirmé qu'il n'était pas à la hauteur d'une responsabilité aussi lourde. Il met à nu encore une fois les considérations opaques et étrangères au mérite qui entourent les désignations à la tête des institutions du pays. Fait unique dans l'histoire du pétrole algérien, un ministre a payé pour ses relations "infectes avec les PDG de Sonatrach et Sonelgaz". Pour avoir été victime de cette situation, son successeur, pendant longtemps PDG de la compagnie nationale d'électricité, va sans doute jouer dans le sens de l'apaisement, améliorer ces rapports et conforter l'autonomie relative de Sonatrach dans la gestion technique et commerciale de ses activités. Mais fait plus grave, selon une autre version de l'origine du conflit entre Salah Khebri et Amine Mazouzi, le PDG de Sonatrach aurait voulu toucher aux privilèges du ministère de l'Energie. Devant des objectifs de rationalisation des dépenses de la compagnie pétrolière nationale en situation de crise, il aurait refusé que Sonatrach paie des frais devant relever du budget du ministère : les déplacements en avion du ministre et de ses cadres et bien d'autres privilèges. Le PDG de Sonatrach aurait voulu couper avec une vieille tradition institutionnalisée à l'ère de Chakib Khelil. Ce qui aurait déplu à Salah Khebri et généré un conflit personnel qui a coûté à ce dernier son poste. Conséquence de cette erreur de casting, le secteur de l'énergie a fait du sur place pendant la période. Au-delà de ces faits, il n'est pas certain que la nomination de Noureddine Bouterfa, en dépit de ses qualités, à la tête du ministère de l'Energie réglera les problèmes de gouvernance et de vision stratégique que vit le secteur. Si le choix du PDG de Sonelgaz est dicté par le souci d'une augmentation prochaine des prix du gaz et de l'électricité, cette option est très risquée. Parce qu'elle risque de mener à une explosion sociale. Si la désignation est mue par la nécessité de remettre de l'ordre dans la branche, Bouterfa n'a pas une expérience dans le pétrole, affirme un spécialiste. Or l'un des enjeux de l'avenir du secteur est le renouvellement des réserves et l'augmentation de la production du pétrole et du gaz. N'oublions pas également que Sonatrach est sous-managée, observe un éminent spécialiste pétrolier. Elle manque de compétences également dans les métiers au cœur de son activité, dans la géologie, la géophysique, la supervision des forages, fruit des limogeages, des départs des meilleurs cadres pour les compagnies étrangères, des départs en retraite sans préparation sérieuse de la relève. Elle n'a pas une politique de rémunération ou d'évolution de carrière qui puisse fidéliser ses cadres. En clair, le management de Sonatrach, en dépit de la bonne volonté de ses dirigeants, n'est pas au standard des grandes compagnies pétrolières internationales. Les autres enjeux sont la rationalisation du modèle de consommation énergétique actuellement caractérisé par un grand gaspillage de ressources fossiles épuisables, l'accélération du développement des énergies renouvelables, l'efficacité énergétique. Or, sur ces trois points, le secteur manque d'ambitions. Il n'a pas encore une démarche opérationnelle qui permette d'enregistrer des progrès plus rapides et de réussir la transition énergétique. Mais ce manque de vision ne relève pas uniquement de la branche. Il faut l'imputer à la Présidence et au gouvernement qui est à l'origine de ces graves dérives dans la gestion du secteur . Par : K. Remouche [email protected] Lire le dossier