La Tunisie continue de faire les frais des deux attentats sanglants du Bardo et de Sousse. Deux attentats qui ont affecté lourdement le secteur du tourisme dont les rentrées représentent 7,5% de son produit intérieur brut (PIB) et génère plus de 400 000 emplois directs. Si les voyants sont toujours au rouge, les professionnels du secteur demeurent optimistes quant à une relance durant cette saison estivale. Les habitués de la destination Tunisie, comme les Français, les Britanniques, les Italiens et les Allemands boudent toujours, et les réservations dans les hôtels et complexes touristiques sont au plus bas. En Italie, le groupe Francorosso/Alpitours a suspendu la programmation de la Tunisie en raison de la baisse de la demande. Les Français, eux, lorgnent sur de nouvelles destinations dont principalement l'Espagne et le Portugal. Cela dit, les opérateurs tunisiens ne désespèrent pas et comptent beaucoup sur les Algériens, mais aussi sur les Russes. La participation de la Tunisie au 6e Salon international du tourisme et des voyages à Alger, au mois de mai dernier, avec une forte représentation (plus de 150 professionnels tunisiens), outre le ministère du Tourisme, les représentants de l'ONTT, de la Ftav et de la FTH avait justement un seul objectif, à savoir booster ce marché porteur. 1,5 million de touristes algériens sont attendus cet été, ont alors estimé les professionnels du secteur. Ces derniers tablent également sur le marché russe. D'ailleurs, l'Union russe de l'industrie touristique (URIT) a récemment affirmé que la Tunisie et la Grèce avaient raflé 53% des ventes de voyages pour le mois de mai, et la programmation des vols Tunis-Moscou est de nature à renforcer les flux touristiques au départ de Moscou. Et à en croire les déclarations de Selma Elloumi Rekik, désormais ex-ministre tunisienne du Tourisme, cela devrait être le cas. Cependant, la réalité sur le terrain est tout autre. Les choses bougent timidement, comme nous l'avons constaté à Tunis, Nabeul ou encore El-Hammamet. Des hôtels presque vides en dépit des offres de promotion et des réductions très attractives. Pourtant, la ministre avait assuré que "la sécurité et les procédures déployées dans les hôtels et les principaux sites touristiques devraient permettre de rassurer les marchés internationaux et faire reprendre la fréquentation de la destination Tunisie." Elle a aussi déclaré que 5 millions de visiteurs étrangers sont attendus en 2016, soit une hausse de 2,6% de la fréquentation internationale. À Tunis ville, où nous étions le week-end dernier, sur l'avenue principale de la capitale, Habib-Bourguiba, en plein cœur de Tunis, des bus transportant des touristes étrangers de différentes nationalités débarquaient sur la place, sous escorte policière. "Ces images me font rappeler le temps où les touristes étrangers débarquaient en masse dans ce lieu, un lieu de transit incontournable. Tout le monde travaillait, les cafés, les restaurants, les taxieurs ; je me rappelle aussi que des touristes prenaient des taxis de Tunis vers El-Hammamet contre la somme de 500 DT pour une distance de 60 kilomètres. Aujourd'hui, regardez, il n'y a plus rien et presque tous les commerces sont à l'arrêt", commente une jeune tunisienne avec beaucoup de regrets. Il est vrai que la Tunisie n'est plus ce qu'elle était, notamment sur le plan sécuritaire. Hormis les grands centres urbains et les principales artères, la sécurité fait réellement défaut. Beaucoup d'Algériens ont été victimes d'agressions ou se sont fait voler leurs voitures.Pourtant, les Tunisiens sont conscients que l'industrie touristique est indispensable à la croissance de leur économie. Si ce secteur est affecté, c'est toute l'économie du pays qui va s'en ressentir. Le transport, l'agriculture, l'artisanat, l'agroalimentaire, le textile, la santé, le bâtiment, la finance... tous ces secteurs sont dépendants du tourisme. Faut-il rappeler que des dizaines de complexes ont dû fermer l'hiver écoulé faute de clientèle, mettant en difficulté des familles entières (le tourisme tunisien peut employer jusqu'à 400 000 personnes), dans un contexte économique déjà dégradé (moins de 1% de croissance en 2015 et plus de 15% de chômage). Selon la Banque centrale de Tunisie, les chiffres sont désastreux, la chute des recettes touristiques au 1er trimestre a atteint 51,7% par rapport à la même période en 2015. R. G.