Comme attendu, une foule immense a accompagné, hier, la petite Nihal Si Mohand à sa dernière demeure, le cimetière d'Aïn El-Beïda, à Oran. Des milliers de personnes venues de plusieurs wilayas du pays ont rejoint le cortège mortuaire qui a pris le départ du domicile familial, avenue d'Oujda, à Eckmühl, en milieu de matinée, pour arriver au cimetière, à la sortie ouest d'Oran, vers 12h. Le cercueil, recouvert de l'emblème national, était disposé dans un véhicule de la Protection civile qui ouvrait la marche funèbre que de très nombreux citoyens ont rejointe à pied depuis des quartiers, comme Cité Petit ou les Amandiers qui se trouvent sur le chemin menant au cimetière. À l'arrivée, la mosquée du cimetière, où s'est déroulée la prière des funérailles, ne pouvait contenir le nombre impressionnant de citoyens venus rendre un dernier hommage à Nihal. Du reste, de nombreux retardataires, arrivés en voiture, ont été interceptés à quelques kilomètres du cimetière par des agents de l'ordre qui les ont priés de continuer à pied. Une fois la dépouille inhumée, l'imam, qui a prononcé l'oraison funèbre, a transmis les condoléances du chef de l'Etat. "Ce qui vient d'arriver est étranger à notre religion et à nos traditions", a-t-il notamment relevé en priant Dieu d'aider les parents de la petite à surmonter cette terrible épreuve. La peine de mort pour les tueurs d'enfants Dans le même temps — et alors que les funérailles avaient lieu —, des dizaines de personnes, notamment des femmes, s'étaient rassemblées devant le domicile familial, avenue d'Oujda, pour manifester leur soutien à la famille endeuillée mais aussi et surtout pour exiger que les tueurs d'enfants soient passibles de la peine de mort : "Rappelez-vous les tueurs de Constantine ! Que leur est-il arrivé ? Ils sont en prison mais ils sont vivants : ils mangent, boivent, font du sport et peuvent même acquérir un diplôme. Pendant ce temps, les parents de Haroun et Ibrahim vivent dans la douleur et le déchirement", s'indigne un jeune homme en référence à l'enlèvement et au meurtre des deux petits garçons à Ali-Mendjeli, en 2013. Très remonté contre le phénomène des kidnappings et l'incapacité des autorités à le contenir, un groupe de femmes, brandissant des photos de Nihal, improvise une marche en direction de la place du 1er-Novembre en appelant à l'application de la peine capitale contre les assassins d'enfants. "Il est normal que les gens réagissent de cette manière, estime un trentenaire à l'accent algérois. Les gens ont peur maintenant pour leurs enfants, ils n'osent pas les laisser jouer dehors... C'est à l'Etat de trouver les moyens de les rassurer et de ramener la sécurité dans les rues." L'homme dit avoir fait le trajet depuis la capitale juste pour assister aux obsèques. "Malheureusement, je suis arrivé un peu en retard et je n'ai pu me rendre au cimetière. Mais j'ai quand même présenté mes condoléances au grand-père de la petite."
La psychose s'empare des parents Debout devant la porte d'entrée, ce grand-père (en fait arrière-grand-père, selon un proche de la famille) monte la garde et empêche les gens d'entrer. "Nous sommes très fatigués, nous n'en pouvons plus", explique-t-il gentiment aux femmes venues présenter leurs condoléances. "Essayez de revenir plus tard, mais pour l'instant, de grâce, un peu de répit." Au plus fort des cris des partisans de la peine de mort, il s'agace franchement : "ça y est, la petite est enterrée, pourquoi restent-elles encore là ?" Si beaucoup sont venus par compassion pour la famille Si Mohand, certains sont là aussi pour parler de leurs propres malheurs aux caméras présentes. "Mon fils de 15 ans a été tué en janvier de trois coups de couteau, et jusqu'à maintenant, nous ne savons pas où en est l'affaire", pleure une femme, ravagée par la douleur. "Que fait l'Etat ? se demande un père de famille. Les kidnappings se multiplient, que fait-on pour y mettre un terme ?" Derrière l'agitation indignée se profile la peur des kidnappings. "Les parents n'ont désormais plus confiance : ils attendent eux-mêmes leurs enfants à la sortie de l'école ou de la salle de sport. C'est la psychose", regrette un quadragénaire, lui-même père de trois enfants. Au retour du cimetière, vers 13h, le père de la petite Nihal est hagard. Il reçoit mécaniquement les condoléances qui affluent encore et toujours de citoyens venus de partout : "Les jours qui viennent seront très difficiles pour la famille. Il faudra beaucoup de courage et de temps pour surmonter une épreuve pareille", prévoit un proche des Si Mohand. Reste à savoir si une telle épreuve peut être surmontée. S. Ould Ali