Après avoir rappelé son parcours personnel, l'auteur retrace minutieusement la naissance du service des transmissions de l'ALN qui va très vite constituer le noyau dur des services spéciaux de la Révolution. Il a été dit et redit que chez nous la littérature, le cinéma, les arts en général ne peuvent suffisamment refléter la réalité et la grandeur de la Révolution de Novembre 1954. Les films et les livres sur cette période de l'histoire contemporaine de Algérie se comptent par dizaines alors qu'ils devraient l'être par milliers, tant la matière est abondante, faite de bravoure, de sacrifices, de souffrances, de sang et de gloires diverses. L'épopée de la guerre de Libération nationale ne semble plus inspirer les nouvelles générations d'artistes qui trouvent le sujet "dépassé", pour ne pas dire éculé. Pourtant, d'outre-mer, nous parviennent régulièrement les nouvelles de productions littéraires et cinématographiques se rapportant par exemple aux deux Guerres mondiales. Elles sont souvent l'œuvre de jeunes Américains et Européens. Les premiers cités parlent encore abondamment de la guerre du Vietnam des années soixante et soixante-dix pour faire l'éloge de leurs troupes qui avaient pourtant perdu la guerre. Doit-on alors s'étonner que les Michael Sheen, Mel Gibson, Sylvester Stallone et d'autres figures aient pu faire des GI, empêtrés dans un repli chaotique, des héros dont le monde entier admire aujourd'hui la bravoure et l'esprit de sacrifice pour leur pays ? Nous, nous avons eu, pour notre part, une véritable épopée révolutionnaire et d'authentiques héros qui se sont engagés – et pour beaucoup sacrifiés – à la fleur de l'âge. Il suffit de décrire ce qui s'est passé entre 1954 à 1962 et il y aura de quoi remplir des bibliothèques entières et combler de nombreuses salles de cinéma. À ce titre, nous ne devons pas cesser d'inviter les artistes algériens à accorder plus de place à la guerre de Libération nationale dans la production culturelle du pays. C'est donc avec un intérêt accru que nous nous devons d'accueillir toute production intellectuelle qui va dans ce sens. Le livre qui est présenté aujourd'hui s'insère dans cette logique. Il présente une facette méconnue de la guerre de Libération nationale par rapport aux séquences purement guerrières portées par des œuvres comme la Bataille d'Alger, Patrouille à l'Est, l'Opium et le bâton, etc. Il s'agit, en fait, de la genèse de la création des services spéciaux du FLN-ALN regroupés sous le générique du prestigieux MALG, ancêtre des services secrets algériens modernes. Le témoignage nous vient de Abderrahmane Berrouane, dit Saphar, ancien cadre supérieur du MALG. Dans un livre de 315 pages paru aux éditions Barzakh en 2015, l'auteur retrace minutieusement la naissance du service des transmissions de l'ALN qui va très vite constituer le noyau dur des services spéciaux de la Révolution. Après avoir rappelé son parcours personnel, Berrouane décrit la mise en place du réseau des transmissions qui va permettre à l'ALN non seulement d'assurer des liaisons inter et intra-Wilayas historiques, mais aussi, prouesse extraordinaire à l'époque, intercepter les communications de l'ennemi. Du simple service des transmissions des débuts à la fameuse DVCR (Direction de la vigilance et du contre-espionnage), les services de la Révolution se sont consolidés au point de damer le pion aux services de renseignement français (DST, SDECE). "Nous informions l'ALN à l'intérieur, à travers des rapports d'écoute, sur les mouvements des troupes, les noms des traîtres, leurs contacts... Nous venions en appui aux structures locales chargées des liaisons et du renseignement qui se sont d'ailleurs beaucoup développées grâce aux transmissions radio... On peut avancer, sans exagérer, que le service d'écoute de l'ALN a contribué, en définitive, à permettre de vaincre l'armée française", précisera l'auteur. Une telle affirmation vise surtout à souligner l'importance des transmissions, de l'écoute, de l'espionnage et du contre-espionnage durant la guerre de Libération nationale et à mettre en évidence, et à juste titre, l'intelligence et la clairvoyance des précurseurs de ces services et des cadres qui les ont développés jusqu'à constituer l'un des piliers de la Révolution. Abderrahmane Berrouane cite évidemment abondamment Abdelhafid Boussouf, dit Si Mabrouk, auquel il voue un immense respect et dont il loue l'intelligence et les capacités organisationnelles qui ont conduit à la mise en place du MALG. Le lecteur suivra les étapes qui ont marqué la création et le développement des services secrets de l'ALN qui donneront, après l'indépendance, la fameuse Sécurité militaire dont les principaux dirigeants, comme Kasdi Merbah, étaient issus du même MALG. Mieux, l'auteur cite ensuite Dahou Ould Kablia, président de l'association des anciens de l'ex-MALG, qui avait recensé un grand nombre de cadres supérieurs de l'Etat algérien (ministres, ambassadeurs, walis, PDG de sociétés nationales...). Saphar abordera également certains sujets controversés comme la mort des colonels Amirouche et Si El-Houès en 1959, ainsi que le rôle de l'Egyptien Fethy Dib. Le livre de Abderrahmane Berrouane regorge d'informations qui intéresseront l'historien, l'étudiant ou le simple citoyen avide de découvrir les nombreuses facettes de la glorieuse Révolution de 1954 qui, notons-le, aura changé le cours de l'histoire contemporaine de l'Algérie et de beaucoup d'autres pays. Ali Bedrici Aux origines du MALG, de Abderrahmane Berrouane. Edtions Barzakh. 315 pages. Alger 2015