On les appelle «les Malgaches», bien qu'ils ne viennent pas de Madagascar. «Les Malgaches» sont les membres du fameux Malg (Ministère de l'Armement et des Liaisons générales), créé en 1960 par Abdelhafid Boussouf. Rares sont les anciens membres de ce service, qui ont donné des témoignages écrits sur leur contribution à la Révolution algérienne. Abderrahmane Berrouane dit «Saphar» est un ancien «Malgache». Il vient d'écrire un livre intitulé Aux origines du Malg. Témoignage d'un compagnon de Boussouf, paru dernièrement aux éditions Barzakh. Abderrahmane Berrouane est né en 1929 à Relizane. En 1956, il a rejoint la Wilaya V. En 1958, Abdelhafid Boussouf, le nomme à la tête de la Direction de la vigilance et du contre-renseignement (DVCR). Il a fait partie de la première promotion d'opérateurs-radio, baptisée «Promotion Zabana» et effectué plusieurs missions, avant de diriger le DVCR jusqu'à l'indépendance. Dans son livre, Abderrahmane Berrouane décrit chronologiquement la manière dont furent créés les services de renseignements algériens et leur combat dans la guerre des ondes et de l'information menée contre la France coloniale et sa propagande. Tout en lançant un appel à un «travail de mémoire» collectif sur la Révolution algérienne, l'auteur souligne : «Mon témoignage ne va pas consister à faire des révélations inédites, dont je serais le seul à détenir le secret. Il se veut simplement une contributions au rétablissement de la vérité des faits vécus par les moudjahidine qui ont participé par leurs activités à la création du Malg.» L'ouvrage comporte trois parties, respectivement intitulées «La genèse», «Des figures marquantes» et «L'histoire revisitée». Dans la première partie, Abderrahmane Berrouane parle de son enfance et de sa scolarité, notamment, dans la ville de Sidi Bel Abbès qui «oscillait entre deux pôles politiques opposés, tantôt c'était le ‘‘Petit Berlin'', quand l'extrême-droite dirigeait la mairie ; tantôt, c'était le ‘‘Petit Moscou'', lorsque le communiste Justrabo passait à notre grande joie». Puis vint «l'éveil politique» et l'engagement dans l'ALN, le 6 août 1956. «Mon engagement fut l'aboutissement d'un choix mûri, fait au cours de la grève historique des étudiants du 19 mai 1956», écrit l'auteur qui était à l'époque étudiant à Toulouse en 2e année de Sciences Po. Dans le deuxième chapitre du livre, Berrouane parle de «personnalités marquantes», notamment le commandant Omar (Ali Telidji) «père des transmissions nationales», Saddar Senoussi, Bouzid Abdelkader, Abderrahmane Laghouati, Messaoud Zeghar, Mohamed Rouaï, Mostefa Benaouda et Benali Boudghène. De Boussouf, il dit : «Si Abdelhafid Boussouf a été incontestablement le grand architecte des services spécialisés de l'ALN. A lui seul, il incarne toute l'histoire de ces services qu'il a créés et dirigés d'une main de maître. Son nom demeure indissociable de toutes les prouesses réalisées sous sa conduite. Son génie, c'est d'avoir réussi à construire, à partir de rien, puis avec des moyens modestes, une œuvre colossale». Le chapitre intitulé «L'histoire revisitée» est divisé en trois parties : «La promotion ‘‘tapis rouge'' : du mythe à la réalité», «‘‘L'intox'' érigée en système» et, enfin, «A bâtons rompus». «Des décennies après la fin de la guerre, l'historiographie française n'arrive pas encore à se départir de ses vieux réflexes de désinformation visant à intoxiquer l'opinion publique et, du coup, à tenter de se venger de l'histoire», écrit l'auteur. «‘‘La bleuite'', par exemple, illustre parfaitement cette malhonnêteté intellectuelle et ces mensonges. La France consacre un énorme budget et mobilisa une pléthore d'officiers pour les opérations d'intoxications, dites ‘‘actions psychologiques''», poursuit-il. Abderrahmane Berrouane répond aussi à ceux qui, en France, aujourd'hui parlent de «victoire militaire» de l'armée française en Algérie. En conclusion, l'ancien «Malgache» écrit : «Lorsque les archives du Malg seront mises à la disposition du public et des historiens algériens, tous pourront mesurer l'ampleur sans précédent des tâches accomplies par les services spéciaux de l'ALN, malgré la disproportion des forces en présence. Et comme l'a dit Saâd Dahleb : ‘‘Les différends entre responsables paraîtront comme des anecdotes au regard du travail accompli, de l'effort consenti par l'ALN et le FLN, qui ont permis d'aboutir à notre indépendance''.» Kader B. Aux origines du Malg. Témoignage d'un compagnon de Boussouf. Editions Barzakh, 315 page, année 2015.