Rachid Adjaoud meurt 25 jours après avoir remis au secrétariat du colloque d'Akfadou le dernier PV de réunion présidée par le colonel Amirouche. L'ancien compagnon, garde du corps et secrétaire du colonel Amirouche, Rachid Adjaoud, a été terrassé, hier, par un arrêt cardiaque. Il avait 79 ans. C'est à l'occasion du colloque d'Akfadou, organisé les 25 et 26 août dernier, que l'auteur du Dernier témoin fera sa dernière apparition publique. Son intervention résonne comme une ultime déclaration d'un homme qui avait écumé les lieux : la région de l'Akfadou. Son message, prémonitoire, il l'avait adressé aux jeunes générations mais aussi aux autorités politiques pour faire du quartier général de la Wilaya III historique mais aussi des autres endroits de résistance dans les Aurès et un peu partout dans le pays, non pas de simples musées sans statuts véritables, mais des lieux de savoir, un prolongement pour l'université. Il ignorait sans doute qu'avec ses huit facultés, l'université de Béjaïa ne dispose même pas d'un département d'histoire. Et quand l'un des animateurs du colloque avait demandé de faire court pour laisser parler les autres intervenants, il s'agissait en l'occurrence d'un ancien maquisard, Si Meziane Asselate, feu Rachid Adjaoud s'était offusqué : "Vous pouvez prendre le temps qu'il faut. Lui, c'est un vrai baroudeur et il a des choses à dire." Et comme pour enfoncer le clou, Si Meziane dira : "Vous savez, nous ne sommes pas tellement nombreux. Aujourd'hui, nous sommes là avec vous. Demain, on ne sera plus de ce monde. Ecoutez-nous, on vous prie. On a des choses à dire. Parmi l'assistance, il y a des gens qui sont intéressés." Il ne croyait pas si bien dire. Vingt-cinq jours plus tard, Rachid Adjaoud meurt après avoir remis au secrétariat du colloque le dernier PV de réunion présidée par le redoutable colonel Amirouche. Une recrue qu'Amirouche avait repérée lorsqu'il était chargé, lui et Boualem Ouguergouz du secrétariat, en l'occurrence de la saisie par dactylographie des résolutions du congrès de la Soummam. Et ce, du début jusqu'à la fin. C'est depuis que le colonel Amirouche avait décidé de faire de lui un compagnon. Pour le lieutenant Si Meziane Asselate : "Amirouche ne prenait avec lui que des combattants qui avaient des qualités : digne de confiance, une volonté de fer et des capacités physiques. Amirouche était un grand marcheur. Il faut être capable de faire des centaines de kilomètres." Rachid Adjaoud sera aussi un membre du comité d'épuration lors de la fameuse opération La bleuite et à l'issue de laquelle le défunt avait indiqué lors d'une rencontre publique, relayée par la presse écrite : "Nous avions pu récupérer 800 armes et près de 800 millions de francs de l'armée française dans l'opération Oiseau Bleu." "La bleuite a été une réponse à l'opération de Krim Belkacem qui a réussi en 1955 à enrôler 1 500 soldats algériens, avec armes et bagages, dans les rangs de l'ALN", racontera Rachid Adjoud. Le "comité d'épuration", mis sur place, était conduit par Rachid Adjaoud et Hacène Mahiouz assistés de Hmimi Oufadel et Mohand Oulhadj. Après le départ du colonel Amirouche en Tunisie — où il tombera dans une embuscade avec ses compagnons et le colonel Si L'houès —, Rachid Adjaoud sera muté dans la Zone 1, témoignera Si Meziane, "comme chef de région, si je ne m'abuse". Au cessez-le feu, il fera partie des commissions de l'ALN, chargées de gérer la transition avec les militaires français. Au recouvrement de l'indépendance, il sera directeur des hôpitaux jusqu'à son départ à la retraite ; il dirigera en premier l'hôpital de Sétif. Son enterrement est prévu aujourd'hui à Tibouamouchine dans la commune de Seddouk où il était né le 2 février 1937. M. Ouyougoute