Liberté : Comment analysez-vous les résultats de l'accord d'Alger ? M. Terkmani : L'accord d'Alger est encourageant. C'est un pas très positif vers une remontée des prix du pétrole. On revient à la logique économique. Je ne comprends pas que l'Opep perde des centaines de milliards de dollars au nom de la guerre des prix, ou des parts de marché. Avec le statu quo, l'Opep laissant le marché fixer librement les prix, l'Arabie saoudite et les autres pays de l'Opep perdent des centaines de milliards de dollars. Si l'Opep baisse de 2 millions de barils sa production, elle gagnera autant. Je crois qu'ici le choix de la raison économique est vite fait. Pensez-vous que la Russie, la Norvège et le Mexique s'aligneront sur cet accord ? Je pense que la Russie va s'aligner. Elle a trop souffert de la chute des prix du pétrole. Son économie souffre de la baisse des revenus pétroliers. Elle souffre aussi de l'embargo imposé par les Etats-Unis et l'Union européenne, suite à la crise avec l'Ukraine. Les non-Opep ont, dans le passé, profité des baisses de production des pays de l'Opep. L'Opep ne l'accepte plus. Elle veut aujourd'hui que le sacrifice soit partagé, que les pays non-Opep participent à l'effort de réduction de la production. Comment voyez-vous l'évolution des prix du pétrole d'ici à la fin du premier semestre 2017 ? Il faut observer d'abord que l'accord renvoie à novembre la décision définitive, à savoir la répartition des quotas. Ensuite, le niveau de la baisse de production est de 750 000 barils/jour, l'excès de l'offre mondiale par rapport à la demande est de 1,3 million de barils/jour. Les prix du pétrole vont probablement augmenter de quelques dollars, par exemple à 52 dollars. Mais il ne faut pas oublier l'influence du pétrole de schiste américain sur les prix du pétrole. Le marché pétrolier a changé de paradigme. Le pétrole de schiste va devenir un élément de plus en plus déterminant dans la fixation des prix du pétrole. Quand les prix du pétrole augmentent, les sociétés américaines ouvrent les puits de pétrole de schiste qui étaient fermés parce qu'ils n'étaient pas rentables à 40 dollars le baril. Je pense que l'Arabie saoudite va perdre si elle poursuit sa politique de guerre des prix pour deux raisons. En premier lieu, les Etats-Unis sont parvenus, via la technologie, à réduire les coûts du pétrole de schiste américain : des puits peuvent être rentables à 30 dollars le baril. En second lieu, la mobilité des installations pétrolières et leurs performances logistiques. Ils peuvent déplacer des installations pétrolières d'un puits à un autre, d'une région à une autre et réduire ainsi le temps de développement d'un gisement. Ils peuvent rapidement ouvrir des puits qui étaient fermés. Il convient donc de baisser la production Opep et non-Opep de 4 millions de barils/jour (5% de la production de chaque pays, ce qui n'est pas énorme) et non de 750 000 barils/jour pour espérer des prix du brut entre 60 et 70 dollars le baril. À cause du pétrole de schiste, il convient de ne plus s'attendre à des prix du pétrole à plus de 100 dollars le baril. Propos recueillis par : k. remouche